Evgueny Primakov, chef des espions russes
C'йtait ce que l'on appelle « un homme d'Etat » ou « un grand commis de l’Etat ».
On pouvait ne pas partager ses points de vue (et il en avait, contrairement а beaucoup d’autres !) mais on ne pouvait pas ne pas avoir de l’estime pour lui.
Il aurait dы devenir le prйsident de Russie aprиs Boris Eltsine. Mais les « oligarches », les nouveaux maоtres du pays, les pilleurs а grande йchelle ont eu peur de lui en 2000. Et ont mis а sa place une crйature insignifiante qui s’appelait Vladimir Pouitine. Un chacal а la place d’un lion, d’un tigre. Un petit connard. Et la Russie est devenu un pays de chacals et de petits connards avec de grandes ambitions qui reprйsentent un danger de mort pour le monde entier...
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Serguei Jirnov, ancien eleve de l'ENA, ancien officier de carriere du Service des illegaux de la Premiere Direction Generale du KGB
"Un mauvais Genie de l'intrigue ou le Sauveur de la Patrie et de Toutes les Russies?"
a l'occasion du 70-eme anniversaire de l'academicien Primakov, ancien chef du service d'espionnage de Russie, ancien ministre des affaires etrangeres, ancien premier ministre
Il est largement d'usage de parler ces derniers temps de l'influence secrete et negative sur le president russe Boris Eltsine de son proche entourage. En qualite d'"eminences grises" etaient presentes le plus souvent les membres les plus proches de la "Famille" - l'epouse, les filles du president et leurs maris, ainsi que Berezovsky, Abramovitch, Valentin Yumachev, Anatoly Tchubais, Alexandre Volochine. Mais dans cette "chasse aux sorcieres" nombreux sont ceux qui oublient sans fondement un des plus grands ma;tres de la lutte sous les tapis - l'academicien Evgueny Primakov, de notre point de vue, le plus subtil et perfide intrigant des palais tsaristes de l'histoire recente russe, celui qui meme maintenant, apparemment en disgrace et dans l'opposition, possede tous les leviers necessaires et efficaces de l'influence pour faire admettre et appliquer ses decisions les plus importantes au plus haut niveau de l'Etat.
Orientaliste reconnu, ayant une fine comprehension et possedant un savoir infini des intrigues byzantines des palais et des cours royales, accomplissant au sein du Comite Central du PCUS les missions les plus delicates et confidentielles en Irak et au Proche Orient, l'academicien Primakov avait compris depuis longtemps l'efficacite de l'exercice de l'influence indirecte sur les premieres personnes - les decideurs de l'Etat. Il avait applique les connaissances et usages de cet art rare avec succes encore au temps sovietique non seulement a l'etranger, mais aussi a l'interieur de notre pays. La carriere d'Evgueny Maximovitch atteignit des sommets fulgurants, quand il devint, alors sous Gorbatchev, le president du Conseil de L'Union (la Chambre Haute) du Soviet Supreme (Parlement) de l'URSS. a la difference de nombreux hommes politiques des echelons superieurs du pouvoir de cette epoque, lui reussit a se maintenir pres du gouvernail de la politique reelle apres l'arrivee au poste de chef de l'Etat de Boris Eltsine, qui detestait ouvertement Gorbatchov et tous ses proches.
Le savoir-faire de Primakov pour faire admettre sa capacite d'information par le president la Federation de Russie gentiment et en douceur se fondait sur sa fine connaissance des particularites du caractere de Eltsine, qui ne supportait d'instructions ni ordres de personne et rejetait tres brutalement toute pression directe. En meme temps, Boris Nikolayevitch etait en realite tres facilement maniable, puisqu'il ne possedait pas d'assez larges connaissances ni une suffisante ouverture d'esprit pour la prise des grandes decisions, ne sachant pas comment s'y prendre pour les examiner et argumenter en profondeur. Personnage a la merci de ses humeurs, le president russe pouvait brusquement changer d'opinion au dernier moment et du tout au tout sous l'influence de sympathies ou antipathies personnelles. N'etant ni un intellectuel, ni un technocrate, il n'etait nullement embarrasse par les contradictions ouvertes de sa conduite, qui touchaient a l'indecence. Pour Eltsine tout etait convenable, ce qu'il avait decide et ce qu'il avait fait. En outre, joueur passionne, le president adorait les pas extraordinaires et forts, les demarches imprevues et impressionnantes. Le plus souvent, il ne pouvait pas les inventer lui-meme mais, dote d'un sixieme sens aigu, il savait exactement reconna;tre celui dans son entourage qu'il pouvait "roquer" avec brio la prochaine fois. Par un instinct litteralement animal, il devinait exactement lequel de ses subordonnes possedait l'acuite d'esprit necessaire ou le caractere peu ordinaire.
Eltsine avait de l'estime pour Primakov et l'avait rapproche. De son cote, celui-ci avait bien assimile l'esprit et les sentiments du President de la Russie, sa crainte d'une concurrence politique, et Primakov restait toujours dans l'ombre sans aspirer vers un role publique. A l'epoque de la deconfiture de l'URSS, Eltsine avait fait appel a lui pour diriger un des Services secrets - la "Reconnaissance" exterieure de la Russie independante. Comme dit le proverbe russe : on a fait entrer le bouc dans le potager! Derriere l'enceinte d'un Ministere completement ferme, Primakov s'est senti comme un poisson dans l'eau. Le calme presque academique, le silence total des bureaux a Yasenevo, l'eloignement de la bousculade urbaine et des tumultes politiques, un acces direct a l'arsenal immense des moyens de la collecte et de l'analyse de l'information - tout cela a plu tout de suite a Primakov. Il y avait un avantage essentiel, qui distinguait la "reconnaissance" de la science fondamentale tellement chere au c;ur de Evgueny Maximovitch - l'efficacite. La grande science, dans notre pays, range le plus souvent ses fruits dans les tiroirs du bureau (ou ils attendent des jours meilleurs), la "Reconnaissance" remet les siens directement et au jour le jour sur le bureau du chef de l'Etat! C'etait la meilleure chance, dont pouvait rever une personne telle que Primakov. En cinq ans, il a transforme son poste en l'un des plus influents du pays.
Comme ceci est exactement et sincerement decrit dans le livre de Leonide Mletchine "Evgueny Primakov : l'histoire d'une carriere" : "Quand la "Reconnaissance" a commence a dependre directement du President, un cha;non intermediaire qui auparavant changeait l'information a ete liquide. Primakov s'est accroche a cette possibilite unique. Il a decide pour lui-meme la chose suivante : - J'y vais et je dis ce que je pense etre vrai. Et que le pouvoir s'habitue a la verite. Mais ce qu'il en fait, c'est l'affaire du president : il peut accepter l'information de la "Reconnaissance" (lisez: Primakov) ou il peut laisser tomber les renseignements sans reagir. Il a encore dix autres sources d'information - il peut donc privilegier n'importe laquelle. Il a le droit de trouver, que la "Reconnaissance" voit tout faux... Mais la "Reconnaissance" est obligee de dire tout ce qu'elle trouve necessaire". A notre avis cela signifiait: Primakov dira directement a Eltsine tout ce que Primakov trouvera necessaire. Et Eltsine l'ecoutera. Et meme si parfois il ne prend pas tout de suite des decisions necessaires et justes du point de vue de la "Reconnaissance" (lisez - Primakov), tout de meme Eltsine saura directement et sans alterations ce qu'en pense Primakov. Or, comme on le sait, "une goutte ronge la pierre".
Le nouveau chef de la "Reconnaissance" avait amene au SVR des gens a lui. L'entourage actuel de Primakov raconte, que celui-ci "en travaillant a la "Reconnaissance", a fait toute une serie de nominations etonnamment exactes, ayant retrouve dans un grand collectif des gens necessaires". "Primakov est une personne qui a l'habitude de travailler en equipe. Ou qu'il soit nomme, il reunit une equipe. Avec lui-meme, il amene le minimum. La plus grande partie, il la trouve sur place...". Primakov a ainsi amene Markarian, Zoubakov et Gorelovski. Au SVR il a trouve, en fait d'une "brillante mediocrite" d'executant, Viatcheslav Troubnikov son premier Adjoint qui, presque comme Tchourbanov a l'epoque de Brejnev, en quelques courtes annees est passe du grade d'un General-major (une etoile) a celui de General d'armee (quatre etoiles). Et quand Primakov est parti pour prendre la tete du Ministere des affaires etrangeres, Troubnikov est devenu automatiquement son successeur au poste de Chef de la "Reconnaissance".
Dans le livre cite plus haut, le faiseur d'image actuel de Primakov et de Loujkov, Leonide Mletchine raconte directement et avec une admiration non dissimulee comment Primakov "cultivait et elevait Troubnikov", "faisait de lui aussi un grand homme politique". Comme le raconte Tatiana Samolis, l'attache de presse du directeur du SVR, "Primakov tachait de montrer Troubnikov au President. Si Primakov se trouvait partir en mission le jour de son audience habituelle chez le President, il faisait tout pour qu'a sa place s'y rende absolument Troubnikov... Il voulait que le President encore une fois rencontre Troubnikov... Tout est arrive comme le voulait Primakov. Quand il est parti au Ministere des affaires etrangeres, il a reussi a obtenir que le President signe le decret de nomination de Troubnikov".
Devenu Ministre des affaires etrangeres, Primakov a continue a resider dans sa maison de service dans la bourgade de campagne sise sur le territoire du siege du SVR a Yasenevo. Et il l'a fait consciemment: Primakov ne voulait pas rompre avec ses liens dans le Service de la "Reconnaissance" et avec son mode de vie. Apres avoir quitte formellement la "Reconnaissance", il y est reste l'"eminence grise" - l'animateur, l'instigateur et le chef reel, a qui tout le monde, y compris son successeur officiel, continuaient litteralement de "regarder dans la bouche", lui rapportant la situation interne dans le SVR pendant des rencontres informelles. Primakov a reconnu lui-meme: "nous nous reunissions non officiellement, quelques personnes, les representants des Ministeres differents s'occupant de la politique exterieure, et nous examinions les problemes actuels. C'est necessaire. Ca se fait tellement dans le monde entier... Certes, le Chef de la "Reconnaissance" possede les connaissances qu'il peut utiliser ensuite et sur un autre poste..." C'est pourquoi, apres la nomination comme chef du MID, ayant laisse "sur l'exploitation a Yasenevo" son ancien premier Adjoint Troubnikov qui lui etait devoue jusqu'au cerveau, Primakov a double son influence sur Eltsine du point de vue formel, mais en realite il l'a decuplee.
Par une ancienne tradition en Russie, le chef du SVR, lors des audiences regulieres rapporte personnellement et directement au President la plus importante partie des documents. Ces documents peuvent ne pas passer par l'approbation preliminaire de l'Administration presidentielle. Le ministre des affaires etrangeres egalement soumet directement au President certains documents (en coordination avec d'autres fonctionnaires seulement formellement), en rapportant l'essentiel personnellement au chef de l'Etat. Ainsi, Primakov depuis son nouveau poste de Chef du MID a recu une nouvelle possibilite d'influencer le President, tout en gardant l'acces supplementaire et egalement direct "au corps du President" via sa creature et son protege Troubnikov, entierement oblige a Evgueny Maximovitch. Apres l'etape suivante de ascension, sous la forme d'une nomination en automne 1998 au poste de chef du Gouvernement, Primakov a persuade Eltsine de nommer comme son successeur au poste de Ministre des affaires etrangeres encore une marionnette a lui - l'imperceptible et "gris" Ivanov, son ancien premier Adjoint, devoue comme Troubnikov en tout et pour tout a son ancien "chef" qui l'avait recommande au President. Le nouveau Chef du MID est devenu le deuxieme canal direct de l'influence informelle de Primakov sur Eltsine qui s'est laisse imperceptiblement entourer par les gens de Primakov.
Une mosaique tres interessante a ete composee par Primakov. A chaque nouvelle nomination, Evgueny Maximovitch non seulement prenait de l'avancement en montant d'une marche sur l'echelle du pouvoir en Russie, mais encore accroissait a chaque fois le degre de son influence sur le chef de l'Etat, en augmentant celle-ci selon une progression geometrique, tout en evitant d'attirer sur lui-meme une attention du grand public et des journalistes superficiels. Genie habile et expert en intrigues de palais, Primakov est devenu reellement l'obus cumulatif qui a sabote l'autonomie reelle de Eltsine sur la prise des decisions les plus importantes. Exterieurement modeste et imperceptible, aimant le calme poussiereux des bureaux, Primakov, telle une araignee, avait recouvert de sa toile les mecanismes secrets de la politique de l'Etat. L'influence de Primakov est devenu omnipresente. C'est lui qui forcait a travailler la machine de l'Etat en realite pour ses propres interets. L'information recu par les canaux du Service de la "Reconnaissance" et du MID etait d'abord dirigee vers le centre d'analyse de Evgueny Maximovitch, d'ou les impulsions decisives allaient vers la tete de Boris Eltsine, de plus en plus malade et senile, et vers la main du President qui signait les Oukases par teleguidage de Primakov.
Le plus curieux dans tout cela est que de Primakov, qui en realite etait omnipotent, n'avaient peur ni les hommes politiques charismatiques, qui le jugeaient incapable de jouer de son influence publiquement sur les electeurs, ni les communistes a la Douma pour lesquels il appartenait a la bonne vielle epoque sovietique. Sans pretendre aux benefices du nouveau partage de la propriete, il ne pouvait pas presenter non plus une menace pour les nouveaux "oligarques" russes. C'est pourquoi Primakov a pris graduellement, sans que le grand public le remarque, la mainmise pratiquement totale sur la politique proprement dite, l'elaboration de sa strategie et les concepts. Meme une fois passe officiellement dans l'opposition politique a Eltsine, Primakov a conserve la possibilite non officielle de recevoir les documents ultra-confidentiels de la "Reconnaissance" et du MID, qui etaient prepares pour les audiences chez le President. D'autre part, via ces anciens canaux, il s'est reserve l'essentiel - de pouvoir faire avancer les documents et les idees au Chef par les mains de ses creatures Troubnikov et Ivanov qui sont restes dans l'entourage officiel le plus proche de Eltsine.
Cette structure entierement tissue par Primakov est si machiavelique qu'une question se pose: sous la direction de qui et pour qui en realite travaillent le Service de la reconnaissance exterieure de la Russie et sa Diplomatie? La plupart des gens croient que ces deux Services fonctionnent sous l'autorite du President Eltsine et pour atteindre les buts principaux de l'Etat russe. Il nous semble qu'il y a des raisons de penser autrement : les deux elements essentiels de la politiques etrangere de l'Etat sont diriges toujours par les "creatures" de Primakov, qui lui sont personnellement devouees et pretes a aller tres loin pour satisfaire ses ambitions personnelles politiques. Apres s'etre uni avec le Maire de Moscou Loujkov et avoir pris la presidence du bloc electoral "La Patrie - Toute la Russie" (OVR), Primakov a recu en supplement a sa disposition les instruments de la consolidation de son influence electorale. Il a affermi ses positions economiques avec l'aide de l'equipe des administrateurs corrompus de la mairie de Moscou.
Recemment Primakov a neanmoins viole la regle d'or de la longevite politique selon Confucius - la regle du sage singe oriental assis sur une haute colline et observant de l'exterieur la bataille des tigres en bas au pied de la montagne. Ainsi, apres le scandale suscite lorsqu'il a refuse de rencontrer le chef de l'Etat et signe l'appel provocateur pour "la protection du president" de son "entourage", Primakov s'est lui-meme mu en tigre. Il est passe a l'attaque ouverte et directe contre le president Eltsine et son administration. Mais apres tout, qu'est ce qui le guide en realite? Le souci sincere de la Russie et de ses concitoyens? Ou la tentative par une intrigue de palais a la veille des elections a la Douma d'enlever les derniers concurrents a l'acces direct "au corps" de Eltsine condamne et le desir d'etre affermi definitivement au sommet de l'Olympe politique russe? Alors, qui est-il en realite, ce Primakov? Un mauvais genie de l'intrigue ou le sauveur de la Patrie et de toutes les Russies?.
29.10.1999
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