Èèñóñ. Àíðè Áàðáþñ
J;sus
J’ai vu J;sus, moi aussi. Il s’est d;montr; ; moi dans la beaut; de la pr;cision. Je l’aime;; je le sens contre mon c;ur, et je le disputerai aux autres, s’il le faut.
ERNEST FLAMMARION, ;DITEUR
26, RUE RACINE, PARIS
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation r;serv;s pour tous les pays
Il a ;t; tir; de cet ouvrage :
soixante exemplaires sur papier verg; d’Arches
num;rot;s de 1 ; 60,
cent quarante exemplaires sur papier verg; pur fil Lafuma
num;rot;s de 61 ; 200,
1 exemplaire sur papier de Chine
hors num;rotage,
imprim; sp;cialement pour l’auteur,
et mille exemplaires sur papier alfa
constituant l’;dition originale.
OUVRAGES D’HENRI BARBUSSE
PO;SIE
PLEUREUSES *.
ROMANS
LES SUPPLIANTS, ;puis; *.
L’ENFER.
LE FEU.
CLART; *.
LES ENCHAINEMENTS, 2 volumes *.
NOUVELLES
NOUS AUTRES… *.
QUELQUES COINS DU C;UR.
FORCE. L’AU-DELA. LE CRIEUR *.
;TUDES SOCIALES
PAROLES D’UN COMBATTANT, articles et discours *.
LA LUEUR DANS L’ABIME.
LE COUTEAU ENTRE LES DENTS.
LES BOURREAUX (Dans les Balkans. — La Terreur Blanche) *.
En pr;paration :
EN SUIVANT J;SUS LE JUSTE.
Les ouvrages dont les titres sont suivis du signe * ont ;t; publi;s par la Librairie Flammarion.
Droits de traduction, de reproduction et d’adaptation r;serv;s pour tous les pays.
Copyright 1927, by Ernest Flammarion.
J;sus
CHAPITRE PREMIER
1. — La bonne nouvelle de J;sus, fils de Marie.
2. — Il y eut un homme nomm; Matthieu, et un, nomm; Jean, qui, dit-on, le virent et qui en parl;rent. Il y eut Luc et Marc qui, dit-on, en entendirent parler par Simon Pierre, et en parl;rent. Il y en eut d’autres, qui en parl;rent, apr;s l’avoir vu, ou sans l’avoir vu. Les paroles restent;; mais les choses ne sont pas certaines.
3. — Maintenant, c’est lui qui parle ; travers le monde de paroles qui furent dites sur lui.
4. — Car il n’y a qu’une v;rit;, et elle nous appartient ; tous.
5. — Tous les matins je m’;veille dans le petit coin de la maison, o; l’on m’a mis pour dormir, parce que je suis un enfant.
6. — Je suis souvent, en me r;veillant, m;l; aux nuages d’un r;ve, et je me dis : Voyons, qui suis-je;?
7. — Alors, les nuages noirs du r;ve deviennent clairs au milieu : c’est la petite fen;tre carr;e qui se cr;e, par laquelle on voit le village ;norme. Mes yeux fabriquent les choses. Dans la chambre qui est ; c;t; de celle o; je suis, et qui est plus grande que celle o; je suis, je vois ma m;re qui nettoie l’;tre, ; genoux. Je suis J;sus fils de Marie.
8. — Si je vois ma m;re sur la terre de l’autre chambre, c’est qu’il n’y a pas de porte. Chez nous, c’est si petit qu’elle m’entendrait en ce moment, m;me si je lui parlais bas. Mais je ne bouge pas avant d’;tre beaucoup r;veill;. Ni avant de voir chacune des bosses de notre gros mur gris, et la lourde cruche rouge assise sur le rebord de la fen;tre. Ni de compter mes v;tements pos;s sur le coffre.
9. — Je ne peux pas aller dehors comme je le voudrais, maintenant que le matin m’a fait rena;tre, parce que je suis menuisier ; c;t; de mon p;re. A peine ai-je fini de manger, et il y a encore dans l’air le bruit fait ensemble par l’;cuelle et par moi, que je vais travailler ; c;t; de mon p;re. C’est dans une cour. Mon p;re me dit : Tiens, fais ceci ou cela, comme moi. Alors, ce qu’il fait facilement et bien, moi je le fais durement et mal, et il en sera ainsi tant que je n’aurai pas sa grandeur.
10. — Mais il me dit souvent : Va dehors. Il me dit cela ; cause de mon ;ge.
11. — Je vais devant moi dans les plaines et les vall;es pierreuses, et vers les montagnes qui s’en vont toujours, me devan;ant ; pas de g;ants.
12. — Les monts par del; la mer, tout noirs et brillants de bitume o; le soleil arrache du blanc par poign;es, me forcent ; les contempler, et ce sont les plus grandes choses qui soient.
13. — D’o; je viens, o; je vais, et que suis-je;? Je ne sais pas. Mais au d;sordre des grandes pierres et des for;ts, je pr;f;re les jardins pos;s comme des images;; les cultures pensantes;; la pauvre terre qui est toute rang;e dans son ventre.
14. — Et je pr;f;re les maisons aux jardins, et je reviens toujours l; o; il y a des maisons.
15. — Les choses du village me racontent sans cesse : Nous sommes telles. Des rues rocheuses, (nous avons beau ;tre mortes, le temps qui passe nous tue), des carr;s gris, avec des palmes dessus. La fontaine d’eau, sa pierre blanche qui baigne dans l’eau et qui devient dans l’eau une masse de petits cailloux blancs. Autour, voici : des cris d’enfants qui font le travail de leurs jeux, et des femmes aux voiles bleus dont le soleil lave si bien le bleu que c’est des linges de ciel. Et sur le sol clair, le soleil pose, comme une foule de mains, les feuilles noires du grand figuier, le grand figuier rond qui fait une t;te au village. Parfois, une maison, entre les maisons, s’emplit de bruit et remue toute (sauf ses murs) sous sa palme, et on dit : J;muel est mort, ou bien on dit : Tsohar se marie. Mais de loin, la maison o; se passe quelque chose est parfaitement calme. Voil;.
16. — Il me vient au c;ur de retourner chez nous. La maison de mon pain.
17. — Notre maison a beaucoup servi.
18. — Chez nous ma m;re besogne toujours. Elle se h;te en soupirant, chez nous, alourdie par sa mission de m;re, ; cause que la maisonn;e retombe sur elle et qu’elle aime ce retombement, et que les heures des repas la poussent et que le dur nettoyage la heurte de toutes parts.
19. — Ma m;re, l’obscure, me montra un jour l’;table, murmurant : c’est l; que tu es n;.
20. — L;, une nuit. La paille, la terre, et dans le noir, l;-haut, des ;toiles.
21. — Ma m;re, elle soupire, elle s’assoit, lasse, courbe.
22. — Son front noir rid; sous l’;toffe noire, sa figure juive, ses doigts de pied poudreux.
23. — Son sang qui coule, qui coule, dans ses veines.
24. — Mon p;re est tr;s vieux. Parfois, sa t;te remue toute seule, et il ;conomise beaucoup ses paroles. Il veut surtout qu’on soit propre, et qu’on use la salet;, car il dit que la propret; est un grand commencement. Il est menuisier depuis des temps immenses. Il est tellement menuisier que ses mains sont en bois.
25. — Et je pr;f;re les pauvres aux hommes.
26. — Un jour un vieil homme, venant d’une montagne, et allant ; une autre montagne (car les hommes, eux, atteignent les montagnes), a pris l’hospitalit; chez nous, avant de passer outre. J’ai trouv; qu’il ;tait plus grand que nous. C’est lui qui apporte tout autour le secret des hommes qu’on ne conna;t pas, et que pourtant, on conna;t. Et l; o; il s’est assis, dehors, devant la porte, ce fut la place d’un temple.
27. — Il ;tait si horrible qu’il ;tait laid. Son ombre ;tait sale. Il ne savait pas parler.
28. — Son ;me ;tait paralytique, faute de mots.
29. — Les mots n’;taient que dans ses yeux et dans ses grimaces.
30. — Et l’on voyait le prix des paroles par le trou qu’elles faisaient.
31. — Mais je me penche, parmi tous les ;tres, sur les animaux.
32. — Je le dis parce que cela est.
33. — J’ai plong; mes regards en eux avant d’oser les lever ; ma hauteur sur les figures des enfants et des hommes.
34. — Le matin, ils ont faim, et r;clament.
35. — Ils disent des choses ;videntes. Ils sont notre v;rit; enfant. Ils sont des justes.
36. — Et debout entre le soleil et la cr;che (et un bouquet de paille par terre br;le de soleil), je parle ; l’;ne, disant : tu es quelqu’un de tr;s pauvre, couleur de cendre. Tu avances la t;te, et le bout de ton museau est un n;gre. Tu es pos; sur de petites pattes et tu n’as que des talons. Ta peau est us;e jusqu’; la corde, qui remue parfois toute sur ton dos et sur le ballon de ton ventre, comme s’il y avait une main dessous. Nous sommes aussi ignorants l’un que l’autre. Mais mon ignorance ; moi est ;paisse, la tienne, transparente.
37. — Nous aussi, nous demandons. Mais nous, qui savons trop de choses, nous ne savons pas bien quoi nous demandons.
38. — Ici-bas, nous les riches, vous les pauvres. Mais nous sommes pauvres de notre richesse. Vous ;tes riches de votre pauvret;.
39. — Et l’;ne regardait ma main qui allait vers sa t;te, et il ;tait g;n;, parce qu’il n’avait pas de main. Et son p;ch; c’;tait de ne pas parler.
40. — Le vieil homme que j’ai dit, si on se rappelle, qui venait de la montagne et qui assit chez nous la plante de son pied, avant de passer outre, avait un chien pour le guider, car ses yeux pouvaient ; peine s’ouvrir dans les d;bris de sa figure.
41. — Un vieux chien dont la peau ;tait rouill;e, qui ;tait tout v;tu de boules de poussi;re, et qui ne poss;dait rien d’autre sur la terre que ce mauvais manteau. Il regardait l’homme, et le trouvait parfait. C’;tait le porteur d’une unique image.
42. — Mon regard a aim; ce chien plus que cet homme. Car on ne sait pas l’homme, mais on voit le chien.
43. — Et ayant vu qu’il est bless; au c;t; et saigne, je le comprends plus fort, tout d’un coup. En dedans, j’ai mieux saign;. Il y a eu notre blessure, lorsque je me suis approch; et qu’il m’a regard; : Pour me parler, tu te mets ; genoux.
44. — Je ne fais rien devant lui qui s’est jet; l;, vieux comme les pierres et jeune comme la vie. Je ne fais rien, et pourtant, comprendre, c’est faire quelque chose.
45. — Et ici, devant les petites maisons pos;es au loin l’une sur l’autre, ce pauvre agneau fa;onn; rien qu’avec le blanc qu’il y a.
46. — Et la sauterelle qui dit : La terre vous lance en l’air.
47. — Et tout petit oiseau ayant des ailes.
48. — Qui dit : L’azur est ;pais.
49. — Et qui est une sonnette.
50. — L’animal est net devant la vie, comme l’homme l’est seulement devant la mort.
51. — Puisque, comme je l’ai dit, notre ignorance est faite avec la nuit, la leur avec le jour.
52. — Heureux les simples d’esprit. Le royaume des cieux est ; eux.
CHAPITRE II
1. — Et je pr;f;re le soir au jour.
2. — Le soir efface entre nous tous, les choses du dessus. Il ;te les barri;res qu’on voit, et la mauvaise richesse des heures et tous les couvercles du jour. Il est quelque chose de moins. J’aime mieux le soir : la lumi;re pauvre.
3. — Qui restitue.
4. — Le soir pudique montre la v;rit;. Et les c;urs qu’on a sont plac;s ; m;me dans l’ombre.
5. — Cette pr;sence sans couleur est une apparition plus forte que le buisson ardent qu’a vu sur la montagne le P;re de nos p;res.
6. — Quand Mo;se, tout tremblant d’abord, n’osa consid;rer ce que c’;tait.
7. — Et si on m’a dit dans la lumi;re du jour : adore ceci ou cela, je me r;ponds parfois, quand l’ombre est venue laver le jour ; c;t; de moi : Non. Parce que je vois que ceci ou cela n’est pas vrai.
8. — Comme je rentrais au jour tombant, chez mon p;re et ma m;re, je vis se dresser pas loin de ma porte un gar;on qui avait environ mon ;ge, et qui ;tait maigre et d;pouill;.
9. — Il me demanda : Tu aimes tes parents par dessus tout;? Je r;pondis oui. Il cria : Non;!
10. — Et il sembla que nous nous soyons heurt;s jusqu’aux racines extraordinaires qu’on a dans la terre. Puis il disparut. Il n’avait ;t; que celui qui a dit non.
11. — Apr;s, je sus que c’;tait Jean fils de Zacharie.
12. — Or dans la chambre du soir nous ;tions l;.
13. — Et je voyais encore ; peu pr;s la t;te hochante de mon p;re et les ;paules de ma m;re pli;es sous la pesante journ;e.
14. — Comme on ne pouvait plus rien faire d’utile dans cette chambre, on parlait inutilement. Mes parents parlaient des voisins, et des voisins des voisins, et de tous les gens du village. Et ils les critiquaient ou les jalousaient, disant : Thad;e a fait cela, et voil; ce qu’a fait Saphira. Pourquoi ne le ferions-nous pas;?
15. — Et je vis bien que les familles, ce sont des ;troites conjurations qui sont les unes contre les autres, et qu’il s’y enfouit la graine de la lutte et de l’envie.
16. — Et voil; que la nuit noircissait la porte de la chambre. La nuit, en v;rit;, ouvrait cette porte en la m;langeant ; tout. Et par cette porte ouverte, il me semblait que je sortais de la maison et que je m’en allais vers tous les autres : ceux des espaces et des temps.
17. — Mon p;re, ma m;re, ce n’est probablement pas vous la vraie famille que j’ai. Il y a dehors, l;-bas, des gens qui sont plus mes parents que vous autres, et qui ne sont pas encore mes parents. Je ne suis pas venu vers vous. Celui-l; est mon fr;re, qui marche vers moi. Et essaie d’;tre mon fr;re, avant d’avoir un nom. Quand je dis : Mon fr;re, je l’appelle, au loin.
18. — Tout vient-il de moi, m;me ma parent;;?
19. — Le lendemain, j’ai cherch; Jean Zacharie, pour le remercier. S’il n’avait pas parl;, je n’aurais pas os; croire ce que je croyais.
CHAPITRE III
1. — Le Liseur qui est debout au milieu des ;coliers, sur la place, d;ploie le long de son livre toute la science et tous les ;v;nements, comme une foule de tout petits jouets, sur la place.
2. — Il faut que les enfants apprennent le monde, chaque enfant ;tant le messie d’un homme.
3. — Et le grand figuier regarde sans regarder, et, d’autre part, marche par terre avec son ombre.
4. — Le Liseur est donc tel qu’un montreur de poup;es qu’il fait remuer.
5. — Il explique qu’il n’y a gu;re ici-bas que le peuple h;breu, et qu’;tudier la science d’un autre peuple, c’est plus coupable que d’;lever des cochons.
6. — Il est tellement juif qu’il en est malade.
7. — D;ployant la Loi, il fait r;p;ter aux ;coliers : Caphtor, Kittim, Ophir.
8. — Et les ;coliers r;p;tent ces mots, pour les apprendre et apprendre ; lire, dix fois, vingt fois de suite.
9. — Or, un homme romain, qui ;tait ami des Juifs, parce que c’;tait un homme de bien, quoique romain, s’approcha, sa face tr;s propre en avant, et dit : Qu’est-ce que c’est que ;a;?
10. — Le ma;tre des ;coliers r;pondit dignement : C’est des villes qui sont tr;s loin.
11. — Le seigneur romain affirma : Elles ne furent jamais nulle part.
12. — Pour toute r;ponse, le Liseur les lui montra du doigt, qui ;taient sur le Livre.
13. — Son doigt me montra, ; moi, qu’il y a une maigre idole des lettres.
14. — Car on ;crit ce qu’on croit. Puis on croit ce qui est ;crit. La parole est une cr;ature qui n’a qu’un temps, et meurt comme tout ce qui vit. Et les livres sont les cimeti;res des voix.
15. — Les mots ;crits sont br;l;s.
16. — Et la v;rit;, qui a besoin des mots, les aime, mais les mots ha;ssent la v;rit;.
17. — Et son doigt me montra aussi que les livres qui racontent la grande histoire du malheur des hommes, et ceux qui les lisent tout haut, enseignent les petites choses, et non les grandes.
18. — Les petites choses, savoir : les rois qui furent ou ne furent pas, ou ne furent plus, et les villes qui pass;rent comme les fleuves, et les noms qui pass;rent comme le vent, de l’inconnu ; l’inconnu.
19. — Et non les grandes, ; savoir que partout et toujours, l’homme est l’homme, pareillement.
CHAPITRE IV
1. — Dans la synagogue se l;vent ceux qui savent parler.
2. — Moi, je suis petit, et ne sais que parler bas.
3. — Mais je sais d;j; ;couter avec autorit;.
4. — Et assis, je baisse la t;te pour ;couter, voyant sur mon genou ma main qui est bless;e ; un doigt ; cause d’un coup de varlope.
5. — Puis, plus haut, je vois ce que j’entends.
6. — Dehors, on ne voyait les hommes juifs et les femmes juives que par leur couleur, leur ;il qui roule et leurs gros doigts. Ici, on voit le dedans de la race.
7. — La vertu du croyant est d’avoir peur de Dieu.
8. — Et nous qui sommes r;unis l;, nous sommes tous couronn;s et serr;s ensemble par la peur de Dieu.
9. — On parle. Je pense aux grands jours de N;h;mie.
10. — Car c’est l; l’endroit o; j’aime le mieux aller dans notre histoire.
11. — Quand la petite troupe des compagnons d’Esdras vint de Babylone ; J;rusalem, et trouva que la g;n;ration du Temple avait oubli; la Loi, et quand Esdras d;sesp;r; confessa devant le peuple le p;ch; commun, et qu’Isra;l se repentit tout entier, et se refit tout entier, et recommen;a sa destin;e sur les ruines de son bonheur impie;;
12. — Ce recommencement fut dur et grand. Et pourtant, dans la joie de l’accomplir, J;rusalem pendant sept jours s’habilla de feuillages. Les tabernacles en branches d’olivier, de myrte et de palmier, s’;levaient partout : sur le toit des maisons, dans les cours, sur le parvis du Temple.
13. — Car Isra;l a un grand pouvoir de repentance et de redressement.
14. — Et un ;ternel printemps dans ses entrailles.
15. — Il tombe dans le p;ch;, mais il est de taille ; en sortir.
16. — Et ses remords sont impitoyables.
17. — Et il est, par l;, une rectitude au milieu des peuples.
18. — Et maintenant, nous sommes aussi ; une heure grave de notre drame commun.
19. — De tous c;t;s, aujourd’hui, la grande nouvelle retentit :
20. — Les jours sont proches. Le vieux monde va mourir la mort.
21. — Et ils disent que c’est l’ach;vement des temps et l’heure de la R;volution, et qu’il va ;clater dans les cr;puscules de la terre, l’arc-en-ciel de justice.
22. — Et, levant la t;te, ils vivent la consolation d’Isra;l.
23. — Car l’Eternel rugira de Sion, et le Dieu de justice enverra bouleverser les royaumes de la terre dont la gloire est du D;mon, et fera une grande diminution sur la terre. Cela nous fut annonc; en pr;ceptes d’anges.
24. — Car en bas, (disent-ils), il y a l’ab;me, puis le cachot des morts, puis la terre o; passent les hommes, puis l’air, et le firmament sillonn;s par Satan et ses Princes, puis sept cieux inou;s, peupl;s de millions d’anges, et des Puissances et Dominations, autour des sept tr;nes. Or, du plus haut du septi;me ciel se d;tachera le Messie, fragment incandescent du seul Tr;ne, qui tombera jusque sur la terre, puis remontera en lumi;re ; travers le Pl;r;me universel.
25. — Le Messie c;leste aura une faux, et la terre sera moissonn;e. Il poursuivra le coupable : S’il se noie dans la mer, dit le Seigneur, je mandaterai le monstre pour le rep;cher;; s’il se m;le aux hommes, je mandaterai l’;p;e pour sa gorge;; s’il monte au ciel, je l’en ferai descendre;; s’il descend au tombeau, je l’en tirerai dehors.
26. — Les royaumes s’;couleront. Ceux qui domineront les nations les feront hurler. Les cieux passeront. Et toutes les ;les s’enfuiront, et les montagnes ne seront plus trouv;es. Ce sera un jour d’exasp;ration et d’angoisse, o; le soleil noircira, o; les cavaliers et les fant;mes se heurteront dans le ciel et les hautes nu;es. Car ce jour-l;, la terre rendra son d;p;t de morts et les enfers rendront ce qu’ils doivent.
27. — Et le h;ros de la R;volution mettra une ;re nouvelle o; Isra;l sera ;lev; par-dessus les aigles. Et les ;toiles brilleront sept fois plus sur les justes, et l’Eternel traitera avec nous un trait; de bonheur.
28. — Tel est le r;ve que fait notre peuple (car les images que fait un peuple sont comme les r;ves que fait un homme, avec des morceaux de lui-m;me).
29. — Nous dont les esp;rances se sont l’une apr;s l’autre cass;es, nous sommes le peuple de l’esp;rance, le peuple-homme.
30. — Le malheur nous a faits ce que nous sommes, ; n’en plus finir.
31. — Et voil; ce que nous crions, nous qui dormons encore;!
32. — Dans les rues o; je passe pour retourner ; la maison, le soleil couchant se met en long. Les gens pensent ; la R;volution.
33. — Et l’un dit : Tu crois qu’elle vient, cette R;volution;? Et l’autre dit : Il para;t que c’est pour demain.
34. — Et tous regardent au fond du ciel le soleil, palais de justice du monde.
35. — Mais chacun s’occupe aussi de son affaire de travail et de famille. Car on a ; la fois plusieurs espoirs, qui diff;rent par la distance.
36. — Et en traversant la place o; ;tait l’;cole des ;coliers, j’entendis ceux-ci, lesquels avaient peur et avaient sommeil sous leur ma;tre, (car ils clignaient de l’;il et ils b;illaient) r;p;ter ensemble : Caphtor, Kittim, Ophir.
37. — Car on vit dans les minutes, goutte ; goutte.
38. — Et autour du grand figuier de la place, il y a devant chaque porte un figuier de taille moyenne.
39. — Dont les fruits sont ti;des comme la main.
40. — C’est chacun de ces figuiers qui entre dans la famille de chacun.
41. — Un soir entre les soirs, un soir que personne ne recueillera et qui sera perdu, en m’endormant, je me demande : Qu’est-ce que je voudrais;?
42. — J’ai dans l’esprit un soul;vement qui ressemble ; la R;volution.
43. — Le grand ab;me de mes p;res crie en moi.
44. — On est fait pour faire quelque chose de juste.
45. — On est fait pour d;faire ce qui est injuste.
46. — Il est ;crit : Je ferai de la droiture une r;gle, et de la justice un niveau.
47. — Et un torrent;!
CHAPITRE V
1. — On le montre du doigt, on le glorifie, on dit : Rabbi, Rabbi… On m’a dit : Celui-l;, ;coute-le, petit, suis-le. C’est un savant ma;tre.
2. — Je r;ponds : Non.
3. — Car une telle confiance est idol;tre.
4. — Il faut que je donne par moi-m;me, et non par ou;-dire, l’autorit; ; mon ma;tre.
5. — Il faut que chacun se recr;e toujours tout entier : sa foi, ses certitudes,
6. — Et sa confiance dans un autre.
7. — Sa confiance, ; savoir : la grande richesse qu’on a quand on n’a rien.
8. — Ce n’est pas du nom propre qu’il faut s’;mouvoir, mais de la simple parole du peuple des mots.
9. — Ce n’est pas le ma;tre consacr; qu’il me faut suivre.
10. — C’est lui.
11. — Mon fr;re inexplicable.
12. — Il est venu ; moi.
13. — Il ;tait pareil ; moi, et de ma taille : Jean, fils de Z;b;d;e.
14. — Et je suis venu aussi ; lui.
15. — Nous nous ;loign;mes de tous l’un vers l’autre.
16. — Et nous nous sommes parl;.
17. — Parler, c’est quelqu’un.
18. — La pr;sence r;elle est dans la parole ; l’ami.
19. — On a besoin de toi qui ;coutes, pour ;tre vraiment soi-m;me, et pour se reconma;tre.
20. — Quand tu es l;, je viens entre nous deux.
21. — Les paroles que tu dis sont douces ; ma bouche.
22. — Quand je te vois dormir, que le sommeil t’immobilise et te ferme, et que ta pr;sence n’est plus ta pr;sence, j’ai peur du temps qui passe.
23. — Car le sommeil, c’est le printemps de la mort.
24. — Par toi, je refais mes regards. Par toi, je refais mon c;ur et j’invente mes joies, et je suis mon proph;te.
25. — Et je te remercie de tout.
26. — Quand j’ai vu Jean, fils de Z;b;d;e, je lui ai dit d’un seul coup ce que je savais :
27. — M;me si on est un pauvre perdu parmi les pauvres, on est fait pour voir royalement.
28. — Et pour que nous nous rendions ce que nous avons donn; ; l’espace.
29. — Et on est fait pour parler.
30. — Voici : Jean sort de la distance, ou du coin bleu de la chambre, ou du tournant blanc et noir de la rue;; il me regarde;; il va me parler.
31. — Je l’aime, de tout l’inconnu que j’ai dans mon c;ur.
32. — Il y a une autre lumi;re.
33. — Qui n’est pas dans le ciel.
34. — Qui est dans les t;tes et sur les figures.
35. — Je ne suis que le fils de l’homme auquel Dieu a dit : Je rendrai ta face plus dure que leurs faces.
36. — Mais quand me reconna;tra-t-on, et dira-t-on de moi : Voici l’homme.
CHAPITRE VI
1. — Il y avait le long du mur un banc de pierre.
2. — Et au-dessus, il y avait une broussaille d’;pines, et celui qui ;tait assis sur le banc (et ils pouvaient ;tre deux), avait une couronne d’;pines au-dessus de la t;te.
3. — C’est l; que parfois, le soir, je trouvais assis l’autre Jean : Jean Zacharie.
4. — Et l; que je lui dis une fois : Rien ne se fera que dans la joie.
5. — Oui, dit-il, dans la joie, et dans le d;chirement.
6. — Que dis-tu;! Quelque chose de bon peut-il ;tre fait avec la tristesse;?
7. — Je n’ai pas dit : ;tre triste, j’ai dit : souffrir.
8. — Non, dis-je. Car les choses doivent s’accomplir de par leur propre gr;ce, et en tranquillit;, et les ;v;nements ;tre la danse des choses.
9. — Il dit : Non;! Tout ce qui laboure, m;me le cri neuf qui laboure, s’arrache, et fait mal au laboureur
10. — Et ; l’;tendue.
11. — Je dis : la paix se fera avec la paix.
12. — Il dit : Non.
13. — Je fus m;content, et m’;tant lev;, je partis pour le quitter. Car l’ombre de ce coin-l; me faisait frissonner de froid.
14. — O; vas-tu, petit;?
15. — Vers l’;uvre de douceur.
16. — Il dit encore : non. Puis ; moi qui partais, il dit : Quand beaucoup de jours se seront perdus, tu reviendras ici, un jour.
CHAPITRE VII
1. — Le voyage ; J;rusalem.
2. — Pour aller ; J;rusalem il faut franchir des plaines et des montagnes.
3. — Et il y a encore bien d’autres plaines et bien d’autres montagnes dans le monde.
4. — Ma maison est le village du village. Mais mon pays n’est que le village de la Terre.
5. — Au lieu qui est entre la mer et Ephra;m, nous avons vu une d;esse Astaroth en bois qui ;tait dans l’enclos d’un homme syrien appel; Ananias.
6. — Cette d;esse, qui ;tait d’une forme parfaite, ;tait v;tue d’un grand manteau bleu plein d’;toiles. Elle avait une couronne d’or. Elle tenait dans ses bras un petit enfant divin, parfait lui aussi, et aussi couronn; d’or. Et au-dessus d’eux ;tait l’oiseau divin. Le tout, bleu et or, dans l’enclos d’Ananias.
7. — Nous sommes pass;s devant l’enclos, et il y avait mes grands compagnons de voyage, et mon p;re, et il y avait l; surtout ma m;re, avec laquelle j’;tais, en dernier.
8. — Tous les Juifs se d;tourn;rent, tr;s fort, de cette idole.
9. — Et ma m;re aussi.
10. — Mais tout doucement.
11. — Et ma m;re soupira, et dit : C’est joli;! Elle a bien de la chance.
12. — Tout en se d;tournant. Car c’;tait une bonne Juive.
13. — Abis;a;, qui ;tait Carm;lite, dit : J’ai vu un jour (qu’il soit ;t;;!), des idol;tres qui officiaient, et devant l’autel se tenait un pr;tre de la Perse, qui pr;sentait la coupe, et buvait, et pr;sentait une rondelle de farine cuite sans levain, et l’avalait, disant : C’est le corps de Dieu, qui est Mithra, que j’avale de la sorte.
14. — Nous tous, qui ;tions l;, pieusement, nous crach;mes.
15. — Le Temple.
16. — Pour la premi;re fois, je vis sa large figure carr;e.
17. — Il ;tait neuf, et plus que neuf : pas tout ; fait fini.
18. — J’entrai dedans;; le temple que le suppliant essaye d’animer ; lui tout seul.
19. — Et dont le grand vide parle encore de c;r;monies.
20. — Dans le Temple, vinrent des scribes, des pr;tres, des sacrificateurs, qui dogmatisaient et discutaient.
21. — Et disaient que l’astronomie a ;t; enseign;e par Abraham ; la Babylonie et ; l’Egypte, et la philosophie par Mo;se aux Grecs.
22. — Et arriva aussi un homme nomm; Elkania et qui ;tait un grand docteur en Isra;l.
23. — Cet Elkania disait : Il y a eu les interminables Egyptiens, puis les rapetisseurs grecs.
24. — Dont les dieux sont en grande confusion entre eux.
25. — Car ils sont l’;uvre de po;tes qui ne savent que savoir tout ; moiti;, et que tourner autour de la v;rit;.
26. — Et ce sont des jeux d’;l;gance et d’arrangement que font ces gens-l; sur le dessus des choses. Et ils se contentent de peu, se contentant du sourire de l’apparence, et de la r;colte du moment pr;sent. Et ils bouchent leur vide par de l’;loquence et de la po;sie, et des masques de clart;.
27. — Mais pendant ce temps-l;, l’humanit; est taill;e en pi;ces, et les corps humains continuent ; souffrir et ; ;tre violent;s.
28. — Il y a eu Platon qui a ;difi; un univers de rayonnements sur l’humanit; d’un sage appel; Socrate.
29. — Mais il a fait cela dans le plan du ciel, non dans le plan de la vie.
30. — Il y a eu les Romains qui semblent des hommes d;coup;s sur l’image des Grecs;; mais trop d;coup;s tout autour, et qui ne sont que les seigneurs de la l;gislation et des affaires.
31. — Mais il y a le Dieu d’Isra;l, qui est l’homme-justice sur le monde;!
32. — Or mon p;re et ma m;re me cherchaient partout, car ;tant rentr; dans le Temple alors qu’ils s’en allaient, je m’;tais attard; pour ;couter ces docteurs.
33. — Et ma m;re ayant dit ; mon p;re : Je te dis qu’il est pass; par l;;; et mon p;re ayant r;pondu : Alors, allons-y, ils retourn;rent au Temple, et y entr;rent avec leurs paquets au moment o; les scribes et les sacrificateurs m’ayant vu les ;couter, m’interrogeaient,
34. — Et au moment o; je r;pondais :
35. — Il y a partout des idoles qu’il faut jeter ; bas.
36. — Ces hommes me demand;rent : Si on te dit : Adore ceci, ou cela;?…
37. — Je dis : Je r;pondrai : Non;!
38. — Pourtant, si c’est adorable;?
39. — Je commencerai par r;pondre non. Et puis, je chercherai l’adoration.
40. — Elkania dit alors ceci sur moi : En cet enfant est la grande ;me d’Isra;l.
41. — Car il faut toujours recr;er enti;rement son c;ur.
42. — Ainsi, sa voix emplissait le Temple de la parole que je m’;tais d;j; dite ; moi-m;me.
43. — Et cette parole fut ; jamais b;tie.
44. — Que mon intention soit toujours un commencement o; je tombe, comme le geste arm; d’Abraham;!
45. — Sur le chemin du retour, au carrefour o; est le chemin tirant sur Ephrat qui est Bethl;em, je profitais du soleil et je me disais : la vie est belle ; cueillir des yeux.
46. — Mais je regrettai cette joie, car un aveugle passait.
47. — Pauvre homme, de quoi souffres-tu;?
48. — Du silence que je s;me. De ce que les rires des autres se sauvent toujours devant moi comme des oiseaux, et m’;chappent.
49. — Je lui demandai : Que voudrais-tu;?
50. — L’aveugle me r;pondit : Que tu me souries.
51. — Il leva son front illumin; de l’;clat que forgeait le soleil, et je tremblai devant celui qui, plus que moi, savait et aimait la lumi;re.
52. — Et je compris pourquoi ce sont les plus pers;cut;s et les plus vaincus, qui ont vu la justice.
53. — Tous les temples qui foulent le sol font de celui qui est d;truit, le temple de lumi;re.
54. — Et les justes sont des mutil;s.
55. — Et il y avait des gens qui ;taient l;, qui, les yeux ouverts, regardaient cet homme, et qui ne voyaient point tout cela.
56. — Sur le chemin du retour, plus tard, ;tant fatigu;, je baissais la t;te.
57. — A cause des sacrifices que j’avais vus.
58. — J’avais un souvenir malade, de tuerie, d’entrailles qui br;lent, et de graisse qui coule et fume.
59. — Comment se fait-il que la pri;re fraye avec ces ignobles fum;es;?
60. — Et la vie avec ce d;chirement de viandes;?
61. — Et l; aussi, les gens avaient regard; cela, et leurs yeux leur servaient ; ;tre aveugles.
62. — Est-ce donc qu’Isra;l vaincu, ;touff; et b;illonn;, frappe sans rel;che les b;tes;;
63. — Pour faire tout de m;me une ;uvre empourpr;e;?
64. — De laquelle l’Eternel a dit pourtant qu’il ne se souciait pas beaucoup.
65. — Le sacrifice qui compte, c’est celui qu’on fait avec soi-m;me.
66. — Quand on fait ruisseler la v;rit;,
67. — En poignardant les symboles dans son c;ur.
CHAPITRE VIII
1. — Les jours, et les semaines, et les ann;es.
2. — La joie de vivre ajuste ; peu pr;s ; mesure, les matins et les soirs.
3. — Mais ils tombent un ; un dans le pass;. On les compte, si on veut, mais les chiffres ne sont que les paroles de la mort.
4. — Ce qui fut est immuable et glac;. Dieu lui-m;me ne pourrait pas disjoindre les deux bouts de l’;clair qui a lui.
5. — Chaque nuit se met par dessus tous les jours qui furent, et les garde. Nous ne sommes toujours qu’un dernier jour ou qu’une derni;re nuit universelles, et que la montagne de notre h;ritage,
6. — Comme ces ;chapp;s ; la d;solation, que le proph;te a montr;s d’avance, ;parpill;s sur les hauteurs de Sion.
7. — Et le dernier jour viendra comme un voleur pendant la nuit.
8. — Je m’appuie sur le travail, et je fais des choses pour les autres.
9. — Le long des murs de l’atelier sont debout les tranches charnues et odorantes des arbres.
10. — J’aime le bois, avec sa dure chair ;corch;e, et les diff;rences de l’un ; l’autre.
11. — Par la porte ouverte, je vois les passants qui vont s’effa;ant, d;vor;s par le blanc du ciel.
12. — Et, accroupie, la vieille qui tourne le fil.
13. — Car ses mains sont deux araign;es.
14. — Et aucun petit travail n’est petit.
15. — Il ne faut jamais se mettre en col;re dans le travail ni avoir de l’impatience. Ou alors, la main devient ivre et l’on n’est pas heureux. Le bon ouvrier est celui qui a conquis le calme. Il ne faut pas que le bois et l’outil se disputent, mais que ce soit entre eux une conversation. Et quand on a fait quelque chose, on voit que cela est bon. Et on est r;compens; par la pr;sence de ce qui est fini.
16. — J’ai port; chez des gens des tables et des coffres, et des lits, ces choses qui ont un ventre, et ai p;n;tr; dans les maisons, qui sont, chacune ; sa mani;re, atti;dies par des respirations, et de seuil en seuil, je recevais l’image de la ressemblance et de la diff;rence de nous tous.
17. — J’ai vu que tous les gens, qui attendent la R;volution, attendent, par dessous, quelque chose ; eux, qui est le bonheur. Ils ont ainsi deux bonheurs l’un dans l’autre, pour ;tre plus s;rs.
18. — Mais ils se figurent que le bonheur est un objet parfait plac; en avant d’eux.
19. — Quand j’aurai un nouvel enfant;! dit l’un.
20. — L’enfant, ; c;t; de qui tout est vieux et ind;licat. A qui sa m;re dit : Tu es bien diff;rent des autres (c’est l; le g;nie des m;res). Mais elle sait pourtant que la maternit; finit mal : Plus tard, dit-elle, il ne sera plus mon enfant, et je serai encore sa m;re.
21. — Quand j’aurai ce champ;! dit l’autre. Et ils disent : je serai enfin heureux.
22. — Et ils s’usent ; attendre de palper cette idole, ; savoir : le bonheur;; ils attendent, l’;il crev;, et pendant ce temps, le bonheur passe, passe, passe.
23. — Car le bonheur n’est pas une chose faite d’une pi;ce comme on croit, mais un m;lange de bonheur et de malheur.
24. — Qui sont en nous.
25. — Car esp;rer, c’est avoir sans avoir.
26. — Et avoir, c’est n’esp;rer plus,
27. — Puisque l’espoir est le sourire du malheur.
28. — Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consol;s.
29. — Malheureux ceux qui sont consol;s, car ils ne peuvent plus pleurer.
30. — Mais celui qui a ;t; tent;, garde une couronne. Heureux les malheureux qui ont beaucoup aim;;!
31. — Et jadis dans le c;ur de l’aveugle ;tait le g;nie de lumi;re.
32. — Il y avait une toute jeune femme de Magdala, qui s’appelait Marie, et on la voyait tant;t ici et tant;t l;.
33. — Et je la d;sirai.
34. — Ses yeux de miroir noir dans sa figure sombre, sa chevelure fleurie d’herbe, ses jambes de bronze chaud, et tout le poids de sa personne.
35. — Je pensais ; elle ; travers ses v;tements.
36. — Elle ;tait tr;s d;vergond;e, et tous les jeunes gens avaient satisfaction d’elle, et tous connaissaient ses seins et son ventre, et les phrases roul;es par ses baisers.
37. — Mais quand je me pr;sentais ; mon tour devant elle, elle me repoussait et se sauvait loin de moi.
38. — Il y en eut une autre que je connus enti;rement.
39. — Et je ne me rappelle pas son nom.
40. — Avant de la d;v;tir, j’;tais transport; de joie ; cause des pr;paratifs de nos deux corps.
41. — Mais apr;s la boucherie de la peau, nous e;mes une lourde honte.
42. — Car l’homme et la femme recommencent toujours Adam et Eve.
43. — Et le d;sir vous rend fou de quelqu’un, et la voix se gonfle.
44. — Et l’idole se vide et se brise en morceaux.
45. — Je dis : Qu’avons-nous fait;!
46. — Et nous cach;mes nos plaies.
47. — Et nous nous regardions avec haine, parce que c’est le contraire de l’amour.
48. — Elle me dit : Nous avons pi;tin; l’amour avec nos pieds.
49. — Mon c;ur lui r;pondit : Je ne t’aimais pas. J’ai seulement eu besoin de toi. Et toi, m’aimais-tu, pour oser parler ainsi;?
50. — Elle mit alors sa figure dans ses mains.
51. — Et voyant qu’elle ;tait honteuse de sa figure qui ;tait son esprit, et la cachait comme Eve avait cach; son corps,
52. — Je lui dis : Pourquoi;? Quel mal avons-nous fait;?
53. — Car c’est, maintenant, par sa souffrance qu’elle me tente, et que je tremble d’elle, et sur les ruines de nos corps et du terrible plaisir balay;, et de l’;go;sme d’amour, la piti; de tendresse est invent;e, la douceur double. Ne vois-tu pas qu’avec deux, l’amour des sens fait un et un, mais que la piti; fait un;?
54. — Car Dieu sera m;l; ; notre ciel, a-t-on dit, le jour o; nous nous d;shabillerons et n’aurons plus honte. La sensualit; a honte de savoir, la piti; a honte de ne pas savoir.
55. — Et moi, j’ai honte de te regarder avec les yeux de l’amour mort.
56. — Car tu es toi.
57. — C’est ainsi que nous nous cherch;mes et nous r;un;mes, nous qui, tout en restant l;, ;tions partis loin.
58. — Or, nous ;tions assis sur une pierre, et je voyais le grand arbre qui fait la t;te du village, et une ;toile un peu au-dessus.
59. — Voici que ma piti; va profond comme un couteau, et voici que je dis : le sang de ton ;me.
60. — Je voyais entre ses doigts son regard qui ;tait abattu.
61. — J’;cartai ses mains appuy;es sur sa figure.
62. — Et j’avan;ai ma bouche vers la sienne pour toucher son c;ur.
63. — C’est alors qu’elle me dit, comme Agar ; Dieu : Tu es le Vivant qui m’a vue.
64. — Elle dit encore, comme Agar dans le d;sert :
65. — N’ai-je pas aussi vu celui qui me voyait;?
66. — Ses l;vres, qui ;taient sur sa figure nue quelque chose de nu, firent :
67. — Tu es la bont;.
68. — Je ne suis pas cela. Mais nous le sommes.
CHAPITRE IX
1. — Dans ce temps-l;, mon p;re mourut.
2. — Quand il s’est mis ; mourir, il a demand; pourquoi. Des hommes, tout autour, simples comme des m;res, ont r;pondu : pour rien.
3. — Il y eut un instant o; il ;tait l;, puis un instant apr;s o; plus rien n’;tait l;. Il y eut un instant incroyable o; la chose du vide est entr;e dans sa poitrine, o; son ;il a pris la fixit; des lignes, et sa figure la blancheur du blanc. Vous voyez bien que l’immobilit; des temps vient de changer de place pour commencer ; ce lit.
4. — Je voudrais tant que tu fusses ce que tu n’es plus;!
5. — Le lendemain de la mise au tombeau, ma m;re me dit : Voici d;j; le lendemain du jour o; on l’a enferm; dans le tombeau, du jour o; je suis devenue aveugle.
6. — Sa souffrance exhala un soupir, un cri de grand silence. Et nous avions une passion d;sesp;r;e pour un homme.
7. — Cet homme qui ;tait, ; elle et ; moi, le fr;re de nos entrailles.
8. — Et ce furent des fian;ailles de nous et de lui.
9. — Car il y avait, au fond de nous, emprisonn;es, la joie et l’illumination de sa vie, et la r;sonance de f;te de sa voix, et on s’;merveillait de la moindre de ces choses. Et la figure du mort et ses l;vres, remuaient dans nos t;tes.
10. — Lui le faible, l’ombre, je le tenais dans mon sein, je veillais sur lui, j’;tais devenu le p;re de mon p;re.
11. — Et bien que tout f;t en fleurs dans les jardins, o; continuaient ; s’accomplir les fruits, tout ;tait en deuil.
12. — A cause de moi le survivant.
13. — Il n’;tait plus rien, au dehors, mais moi, j’;tais une mort, et ma m;re ;tait une autre mort. La mort, c’est quelqu’un qui se retire de soi-m;me et qui vient dans vous. Il n’y a des morts que tra;n;s dedans les vivants.
14. — C’est nous qui tuons les ;tres et qui les ressuscitons.
15. — Et, sondant la mort, je dis : Ce n’est pas lui, c’est moi.
16. — Le soir, j’allai parmi le lieu triste des tombeaux, le cadavre des foules.
17. — O d;solation des d;solations;!
18. — Et au sein du cr;puscule pire qui se fit en ce lieu des s;pultures, je vis deux orphelins, un jeune homme et une jeune fille, qui riaient parce qu’ils s’;taient trouv;s l; tous les deux, et ce couple naissant admirait ; ses pieds le pass; noir du monde. Toute cette multitude-chose qui sous terre avait chang; de visage et n’avait plus d’yeux, ils s’en extasiaient, parce qu’ils se tenaient tous deux par la main.
19. — A cause de leur r;compense int;rieure.
20. — Ils s’appuyaient tous deux sur le m;me tombeau p;le, ossement ext;rieur de quelqu’un.
21. — Et cela qui porte malheur aux autres, leur portait bonheur ; eux, puisqu’ils souriaient.
22. — Ces deux ombres ch;tives cr;aient la solitude ; l’aide de l’univers.
23. — Ce fut le grand moment de ma vie que celui o; assis sur une pierre, — et je voyais le grand arbre qui fait la t;te du village et une ;toile un peu au-dessus — je pensai ; l’amour et ; la mort, et je vis que cela ne se passe que dans chaque c;ur.
24. — Et parmi l’espace noirci o; remuaient un peu les gens, il se tra;a, pour moi seul, un trait de lumi;re.
25. — La v;rit; a un autre sens que celui qu’on croit.
26. — La v;rit; ne va pas de Dieu ; nous, mais de nous ; Dieu.
27. — Voil; la direction de la v;rit;.
28. — Et l’esprit vient d’en-bas.
29. — Il ne faut plus commencer par l’au-del;. Ce qui n’a pas commenc; en nous, n’est pas. Nous ne tombons pas du ciel, nous qui nous levons.
CHAPITRE X
1. — Chacun est trop pour ;tre seul.
2. — A ce moment de ma destin;e, m’apparut un jour pr;s d’un palmier de feuilles et de soleil, Priscilla, dont le visage ;tait un saisissement de joie.
3. — Je l’ai choisie. Pourquoi;? Je suis au monde celui qui peut le moins le dire. J’aime qui j’aime. Tout vient-il de moi, m;me la gr;ce;?
4. — Je t’aime. Je te fais belle.
5. — Celle qui ;tait le nom de ma joie, je crus qu’elle m’aimait, car elle me le disait, avec ses l;vres pensantes. Mais elle aimait en cachette Jekhiel, qui se montrait mon ami, et un jour ils s’enfuirent tous les deux ; Bethsara.
6. — Elle est partie, mais elle est ici, elle est l;. Partout, sa pr;sence est la moiti; de son absence.
7. — Elle est partie;; et je ne peux plus la quitter;!
8. — Et je fus en fureur et en d;testation contre eux deux qui m’avaient trahi : le double monstre d;figur;.
9. — Et j’allai dans les montagnes, et c’;tait malgr; moi du c;t; de Bethsara que j’allais.
10. — Or un jour, du haut d’un rocher, je d;couvris le corps de Priscilla et le corps de Jekhiel, enlac;s.
11. — Ils ;taient tomb;s ensemble sur la pierre et s’;taient tu;s. Ils ;taient l;, ;ternis;s de froid, et leurs pieds ;taient clou;s tout au bout de leur chemin terrestre, mais ils avaient eu encore la force de s’embrasser d’amour
12. — Avant de s’endormir.
13. — Et cela me d;chira de voir la forme de Priscilla, encore enti;rement semblable dans le froid ; sa forme chaude, s’attacher ainsi sans arr;t ; l’autre, bien que ses yeux entr’ouverts ne fussent que deux perles.
14. — Et cela m’apparut comme leur haine de moi ; nu.
15. — Or ;tant descendu pr;s d’eux, je vis qu’ils respiraient encore l’un et l’autre et n’;taient point morts.
16. — Et ma gorge chanta : Elle vit;!
17. — Car aimer une cr;ature, c’est avoir besoin que cette cr;ature vive.
18. — M;me si, d;tournant sa figure qui ressemble ; toute la beaut;, elle doit vivre pour un autre.
19. — Et il se fit ainsi un changement en moi tandis que je leur donnais des soins, ; tous deux qui ne faisaient qu’un.
20. — Je compris ; jamais les choses de l’amour;; parce que, maintenant, j’;tais au-dessus.
21. — Ces choses ne sont plus pour moi.
22. — Toute cette guerre demi-int;rieure que se font les hommes et les femmes.
23. — Et la vengeance n’est pas non plus pour moi, ni pour personne. On peut faire de la souffrance ou de la haine, non de la vengeance. Et tu ne te venges de ta propre souffrance qu’; force de la conna;tre.
24. — Et ; un moment, je me d;cide, et je commence ; m’;loigner d’elle, pas ; pas.
25. — (Moi, je resterais bien.)
26. — Apr;s les avoir laiss;s en paix, je revins chez moi, et je vis partout dans les campagnes et dans les cachots des maisons, des malheureux qui peinaient.
27. — Ils ne peinaient pas tous, mais je ne voyais que ceux-l;.
28. — Et ceux-l; n’;taient pas nouveaux, ni mis expr;s sur mes pas, mais, avant, je ne les voyais pas assez.
29. — Mais j’;tais devenu moi-m;me.
30. — Parce que mon c;ur s’;tait fendu.
31. — Et ce fut ma vraie rencontre avec les hommes.
32. — Les riches, les ais;s, les satisfaits aux habits propres et aux l;vres grasses, ceux qui ont les mains des autres au bout de leurs bras, et qui r;coltent le travail, qui m’entourent et disent d’une voix caressante : Nous sommes justes.
33. — Que j’ai contempl;s un ; un, en rond, et ; qui j’ai dit : Quelle est ici l’;me qui n’aurait point honte de se d;shabiller;?
34. — Et puis, tous les autres hommes qu’il y a, marchant sous le soleil.
35. — Qui crient, mais pourtant ils parlent bas.
36. — Qui pleurent, mais cette eau triste n’est pas f;conde.
37. — Et leurs plaintes ne p;sent pas plus que celles des petits enfants qui pleurent dans les grands bras.
38. — Ou c’est comme les enfants de la rue qui disent : Nous chantons et vous ne chantez pas.
39. — Le tortur; de fatigue, le maudit du travail, plant; dans le champ, et dont les ;paules montaient et descendaient pour changer la forme de l’;tendue, m’a dit : Autrefois, j’avais faim de la terre, mais maintenant, la terre est mon malheur. Car elle est injuste.
40. — Et les cieux sont injustes dans l’affaire de la semence de pluie et de la semence de soleil.
41. — Il ;tait pur, il ;tait juste. Et ce pur et ce juste ouvrit la bouche pour dire ce qu’a dit Ca;n : Ma peine est plus grande que je ne la puis porter. Et comme Ca;n, il dit : Mais j’ai une marque qui me force ; vivre.
42. — Car, dit-il, je voudrais ;tre dans le cimeti;re o; le m;chant ne fait plus de mal ; personne.
43. — Mais qu’est-ce que l’homme mortel, que l’Eternel le ch;tie chaque matin;?
44. — Ne me permettras-tu pas, Seigneur Dieu, d’avaler ma salive;? Que feras-tu de moi, conservateur des hommes;? Et chaque jour, au temps du soir, mes bras sont recass;s.
45. — Pourquoi la lumi;re est-elle donn;e ; l’homme auquel le chemin est bouch;;!
46. — Et l’autre, tout seul sur la pierre de son foyer, dit : La fatigue m’a frapp; de sorte que j’ai oubli; de manger mon pain. Et je n’ai plus soif que de cris.
47. — Mais l’autre : On voudrait que manger et boire soient tout, mais on ne peut pas. Un jour, on voudrait que manger et boire ne soient rien, et l’on ne peut pas. Mon r;ve m’est tomb; de la t;te au ventre.
48. — Cette pauvresse-l;, me dit : Je n’ai qu’un peu de farine. Fais-en, dis-je, deux galettes et donne-m’en une. Oui, dit-elle. Nous les mangerons, dit-elle, puis nous mourrons. Et cette pauvresse ;tait tremblante pour tout cela, et ; cause de la pluie.
49. — Ils travaillent et se plient. Ils enfantent les choses en travail, comme des femmes, tous les jours. Tous les jours, ils sont mang;s par la faim. L’arm;e de la terre n’a pas le temps de vivre et est pareille ; des b;tes.
50. — Ils reculent tristement de la naissance ; la mort.
51. — Et qu’on leur applique exactement, aux travailleurs, ce qu’Eliphaz Th;manite a dit du m;chant dans les Ecritures : Un cri de stupeur est dans ses oreilles. Il court de tous c;t;s apr;s le pain, disant : O; y en a-t-il;? Et il habite dans les maisons d;pouill;es et dans les villes salies. Et tout cela le fait marcher vers le roi des frayeurs.
52. — C’est la richesse magique des autres qui fait leurs maux.
53. — Car, ainsi qu’il est ;crit, il y a comme une guerre ordonn;e aux mortels sur la terre.
54. — Car la r;gle que d;cident les riches pour r;ussir, et l’exemple des riches, font tomber la guerre
55. — Sur les pauvres, et m;me entre les pauvres.
56. — Le pouvoir qui tombe d’en haut n’a pas le sens de la v;rit;, et tout cela est mal fait sur la terre.
57. — Car les petits, c’est un g;ant, et les pauvres, ;tant presque tous les hommes, sont la richesse de la terre.
58. — Car le pain c’est leur pain. Le pain ne descend pas du ciel, mais il germe de la terre — dans leurs mains.
59. — C’est ainsi que j’ai vu la punition du pauvre.
60. — Dont les deux mains sont toujours condamn;es.
61. — C’est beau de voir d’un seul coup, au monde, les pauvres ; un se ressembler.
62. — Par l;, la pauvret; est belle, elle qui n’est pas belle.
63. — Et les pench;s savaient qu’il allait y avoir une R;volution, et qu’apr;s cette R;volution, tout serait ; tous, et qu’il n’y aurait plus de ma;tre ni d’esclave, et leurs figures attendaient, pendant que leurs mains s’acharnaient ; souffrir.
64. — Et celui dont les enfants allaient mourir par manque de tout, m’interrogeait : la R;volution viendra-t-elle avant qu’ils ne meurent;? Tout est l;.
65. — Elle viendra pour emp;cher que des enfants ne meurent. C’est tout ce qu’on peut r;pondre. Car ce n’est pas une idole, c’est des gens.
66. — Ainsi, m’;tant ;lev; au-dessus de mes batailles, ; moi, il s’;tait fait un soleil de piti;, et je vis enfin bouger l’ensemble des choses,
67. — Qui est sous le signe de la convoitise et de la guerre.
68. — Et que j’avais perdu bien du temps loin du devoir que je m’;tais donn; : Faire quelque chose de juste.
69. — Car mes temps vont ;tre pass;s, et il sera trop tard.
70. — Je suis venu ici par le chemin des convoitises personnelles. Et je me demandais : Quelle voie prendrai-je pour m’en retourner;? Car je ne savais pas laquelle il fallait prendre.
71. — Car il y a deux voies et deux fatalit;s : Celle de chacun et celle de tous.
72. — Et voici celle de chacun : Jouir et souffrir, chacun, dans son c;ur et dans son corps, par l’amour et la mort. Et le d;sir n’a jamais ce qu’il veut, car il veut ce qu’il n’a pas. C’est l; la plaie sans fin creus;e dans chacun, et la chute originelle de chacun. Sur cette voie, tout est vanit;, si bien qu’il n’est de rachat pour chacun que dans sa propre passion.
73. — Car le vivant ne peut pas tuer la souffrance enferm;e en lui. Il peut seulement mourir.
74. — Et voici la fatalit; de tous : Subir le mal des gens d’en haut. A cette fatalit;, il faut apprendre ; d;sob;ir. Et cette ;uvre de d;sob;issance a la dur;e. Ta destin;e, ; toi, solitaire, c’est celle o; la mort finit tout. La destin;e de tous, c’est celle o; la mort n’est rien.
75. — Car le peuple innombrable qui poss;de la douleur, poss;de aussi l’immortalit; : m;me quand on l’a tu;, il peut encore crier et se lever.
76. — Et dans ce train de choses, on ne peut pas dire : tout est vanit;. Car si la premi;re fatalit; que j’ai dite, nous vainc, l’autre, nous la vaincrons si nous sommes ensemble. Le fou se laisse aller ; la pente des chairs. Il a son c;ur ; gauche;; mais le sage a son c;ur ; droite.
77. — L’;uvre qu’on doit faire, c’est celle qui est faisable.
78. — Et la R;volution n’ira pas du ciel ; la terre, mais elle ira de la terre au ciel;!
79. — Mais ceux qui les premiers ouvrent les voies, et qui veulent rendre aux foules une existence naturelle,
80. — Ils n’ont pas, eux, une existence naturelle.
81. — Ils sont maudits.
82. — Ils demandent leur chemin aux errants et la charit; aux mendiants.
83. — Et parce qu’; la fois ils regardent ce qui est, et ils esp;rent ce qui n’est pas, ils boitent.
84. — Et ils ne font pas, eux, ce qu’ils disent de faire.
85. — Ils disent : Ce n’est pas l’amour qui doit ;tre la pierre d’angle de la loi commune. C’est la justice qui sera la pierre d’angle. Car l’amour est de chacun ; chacun, et non de chacun ; tous.
86. — Mais cet amour tendre pour tous les hommes, dont ils n’osent pas faire la r;gle de l’assembl;e, ils le mettent, eux seuls, dans leur c;ur.
87. — Ils placent la destin;e des autres dans leur destin;e propre, ce qui est grand comme la folie.
88. — Moi, je r;unis ce commandement innombrable, en moi.
89. — Et je remplis ma conscience avec le portrait de tous ceux que je ne connais pas, et je me m;le de ce qui ne me regarde pas.
90. — Je vous aime tous, les hommes, les ;ternels absents.
91. — J’ai vu mon ombre se poser sur un morceau de mur et de lumi;re.
92. — Mes cheveux d;sordonn;s, la pointe de mon menton et de mon ;paule, en zig-zag noir sur la pierre.
93. — Je ne suis que ceci : Un pauvre ouvrier.
94. — Mais un ouvrier qui pense ; la chose m;me du labeur et du ch;timent.
95. — Je suis l’ouvrier des ouvriers.
96. — Et voici maintenant ; mes yeux le b;timent de la ville et les champs, ; la fois, dans le soir, au temps du jour o; les ;toiles sont encore v;tues de bleu. Comme l’a fait le grand Berger de nos anc;tres, je porterai le poids de tout ce peuple, et je ne dirai pas : il est trop pesant.
97. — A cause de ceux qui sont faibles, on est faible, et ; cause de ceux qui ont faim, on a faim.
98. — La voix des voix, le cri des cris.
99. — Moi seul je suivrai ce commandement.
100. — Je ne leur demande pas de le suivre.
101. — Je ne leur demande pas l’impossible.
CHAPITRE XI
1. — Une nuit qu’il ventait, j’;tais dans une maison de J;rusalem, o; je logeais.
2. — Hilqiah ;tait ; c;t; de moi par terre, parce qu’il ;tait paralys; d’une jambe, et c’;tait un pauvre homme qui tenait peu de place.
3. — Et une lumi;re brillait sur la table et ;tait arrach;e au noir au milieu de la chambre.
4. — Un homme d’entre les pharisiens, nomm; Nicod;me, l’un des principaux Juifs, vint me trouver cette nuit-l;.
5. — Il vint la nuit en cachette, car il ;tait assez courageux pour braver les t;n;bres et le vent, mais pas assez pour braver l’opinion des hommes.
6. — Quand la porte se fut ouverte et referm;e sur lui avec un gros souffle de vent qui gonflait son manteau, et que la flamme du chandelier, pouss;e par cette entr;e, fut redevenue tranquille, la premi;re chose qu’il dit, ce fut : Rabbi, Rabbi…
7. — Que faire;?
8. — Je r;pondis : L’heure est venue de rentrer en nous-m;mes et d’y d;couvrir ce qui y est renferm;.
9. — Car la v;rit; est du dedans, non du dehors.
10. — Mais ce qui est dit dans les t;n;bres sera entendu dans la lumi;re.
11. — Mais, en v;rit;, je te le dis : Si l’homme ne na;t pas ; nouveau, il n’entrera pas dans le royaume des cieux.
12. — Nicod;me me dit : Comment un homme peut-il na;tre quand il est vieux;? Faut-il qu’il retourne dans le ventre de sa m;re;?
13. — Et Hilqiah, se tra;nant plus pr;s de moi, dit : Oui, en effet, comment;?
14. — Je dis : Le docteur et le simple devraient savoir ceci, l’ayant trouv; chacun dans sa voie :
15. — C’est en d;gageant l’esprit, de ce qui n’est pas l’esprit.
16. — Selon la clairvoyance et la justice.
17. — Car l’homme a superpos; au r;el, ; cause de la libert; folle des id;es et des mots dans le vide, beaucoup de mondes imaginaires m;l;s l’un ; l’autre et o; il est perdu.
18. — Nicod;me dit : Mais n’y a-t-il donc pas en dehors de nous, des choses qui sont vraies;?
19. — Oui, mais il n’est rien de vrai, et non plus, rien de beau ni de grand, qui ne soit tenu dans les grandes lignes de la justice
20. — Qui est en nous.
21. — Isa;e a parl; de l’esprit de l’Eternel sorti du rameau de la tige de Jess;, et dit que c’;tait l’esprit de sagesse et d’intelligence, l’esprit de conseil et d’action, l’esprit de science et de justice. Car si on essaye de regarder la forme de l’esprit, on voit que cette forme est faite de grandes lignes terribles, qui sont l’;chafaudage de l’univers, et qui dressent aussi les contours lumineux de l’ange humain. Il faut que la justice vive ses fronti;res, et que l’homme rende la justice.
22. — Alors il faut s;parer parmi les choses celles qui ont la r;alit; et celles qui n’ont qu’un semblant de r;alit;.
23. — Pour que la pens;e soit le miracle du vrai.
24. — Tout Nicod;me que tu sois, tu es plein d’images qui se disputent parce que tu n’as jamais r;fl;chi jusqu’au fond de ces images et que tu ne les as pas refaites toi-m;me, sinon tu aurais vu qu’elles ne s’ajustent que sur le dessus, mais se repoussent de toute leur forme.
25. — Et tu accordes un ;gal cr;dit ; ce qui est apparent et ; ce qui est r;el;; ; ce qui est diabolique et ; ce qui est divin;; ; ce qui est mort et ; ce qui est vivant.
26. — Et alors tu r;sous les questions d;chirantes, en fermant les yeux, et tu es tranquille en fermant les yeux, et tu vis ; t;tons le moment pr;sent.
27. — Et la parole sur toi est la semence qui pousse un peu sur les pierres, et meurt. Alors tu attends, tu es partag;, tu balances. Et quand les puissants du jour disent : Dieu, ou : Notre Race, ou : Bon Droit, tu r;ponds : Tr;s bien, cela suffit;! Et tu es un pauvre menteur.
28. — Et tu es l;gion.
29. — Et Nicod;me disait : Comment cela;? et la lumi;re qui ;toilait la table, et illuminait les joues et les yeux de ce Juif qui se d;battait, lui faisait au mur caverneux des ailes d’ange noir, et le bruit du vent, ; travers les murs, soufflait sur lui.
30. — Lui : On entend le vent qui passe.
31. — Moi : Oui, mais on ne sait pas d’o; il vient.
32. — Et je m’;criai et je dis : Quand je dis que l’esprit est en nous, je ne dis pas qu’il est cl;tur; en nous, mais je dis qu’il commence en nous.
33. — Car pour d;gager l’esprit, ce qui veut dire : pour comprendre le monde dans l’homme et l’homme dans le monde, il faut se d;barrasser de toutes les idoles.
34. — Car cela est mort.
35. — Et l’esprit c’est la vie ;ternelle.
36. — En leur disant la v;rit;, on fait que les gens sortent d’eux-m;mes, et naissent dans le ciel, et parlent dans le ciel et marchent dans le ciel, et sont ce qu’ils sont.
37. — Il faut vivre.
38. — Il dit : Le monde est le monde. Il faut vivre.
39. — De plus, le Siracide n’a-t-il pas dit que la sagesse am;ne sur l’homme la crainte et l’angoisse, dit Nicod;me, et qu’elle le tourmente par sa discipline;?
40. — Je dis : Le d;mon tentateur n’a pas forme de d;mon.
41. — Mais il est pire, de n’avoir pas cette forme.
42. — Ici-bas les aveugles conduisent les aveugles, et ils tomberont tous dans le trou.
43. — C’est que les petites choses, si on les met tout pr;s, sont plus grandes que les grandes.
44. — Mais celui qui aura rachet; les ;mes en les arrachant aux idoles, celui-l; sera grand dans le Royaume.
45. — Tu es plong; dans la confusion et dans le noir. Celui qui ne voit pas tout ; la fois, est un noy;. Tu ne vois pas la vie, mais le bord de la vie. Tu as la r;putation d’;tre vivant, mais tu es mort.
46. — Le jour est venu o; ceux qui sont dans les s;pulcres entendront la parole du ciel.
47. — Celui qui m’entend est pass; de la mort ; la vie.
48. — Le pauvre Hilqiah leva un bras et dit : Je te rends gr;ces de ce que tu dis.
49. — Car tu annonces que les corps de ceux qui ont ;t; mis dans le s;pulcre, comme Hazaria et Bethsab; et l’enfant d’Uri, le furent par exemple ces jours-ci, ressusciteront dans un paradis ;ternel.
50. — Non, je ne parle pas selon la chair.
51. — Mais je parle selon la vie.
52. — Quand on regarde la mort de chair, on voudrait dire : ce n’est presque rien;! Mais nier la mort, c’est nier la vie. Car c’est attirer les vivants en dehors de la vie.
53. — Il dit encore : Notre vie n’est qu’un rayon dans l’immortalit;.
54. — Je dis encore : L’immortalit; n’est qu’un rayon dans la vie.
55. — Pourtant, dit-il, regarde : Il n’est qu’un peu de lumi;re et beaucoup d’ombre autour.
56. — Non. L’ombre n’existe pas. Ce que tu appelles ombre c’est la lumi;re que tu ne vois pas. Il n’est pas vrai que lorsque vient la nuit le monde change et prenne une couleur noire. Il n’y a pas d’ombre;; il n’y a que plus ou moins de lumi;re. Ni de silence;; il n’y a que l’espace que parcourt une voix.
57. — Et il n’y a pas d’inconnu. Il n’y a qu’un peu de connu.
58. — Et il n’y a pas de mort. Il n’y a que nous.
59. — Soyez avec moi, ouvrez vos yeux universels, et laissez les morts ensevelir leurs morts.
60. — Nicod;me dit : Il est des moments o; je vois tout ce que je verrais, si j’;tais ressuscit;.
61. — Il me demanda : Toi qui montres d’un seul coup toute la mort de la mort, et qui exiges de nous un si grand recommencement, qui donc es-tu;?
62. — Je suis le premier-n; des morts.
63. — Car je suis venu pour cr;er le monde int;rieur.
CHAPITRE XII
1. — M’interrogea un jeune homme qui vint ; moi comme je marchais dans la rue.
2. — Ma;tre, j’ai entendu parler diversement d’elles deux : la v;rit; et la r;alit;.
3. — Je lui r;pondis : Nous sommes toujours entre elles deux, l’une en dedans, l’autre en dehors. Vois cette rue o; nous marchons : Elle semble se r;tr;cir au loin en avant de nous, et ses maisons ont l’air de se rapetisser ; nos yeux, et pourtant, ; mesure que nous la parcourons, nous voyons qu’elle est toujours aussi large, et ses maisons aussi hautes.
4. — Alors, il y a dans l’;il deux images de la rue : celle qui va se r;tr;cissant et celle toujours aussi large.
5. — Il dit, vite : C’est celle que tu dis en dernier, ; savoir l’aussi large, qui est la seule vraie.
6. — Oui, mais l’autre est la seule r;elle.
7. — Ne prends-tu pas la v;rit; par le mauvais bout;?
8. — La v;rit; pratique et la v;rit; th;orique, la visible et l’invisible, ne sont pas deux choses diff;rentes, mais les deux faces de ce qui est,
9. — Comme la forme d’un cercle diff;re aux yeux selon qu’on est en dedans ou en dehors de ce cercle, tout en ;tant une.
10. — Il dit, s’;clairant pas ; pas, du visage, et me montrant une vieille femme qui approchait, v;tue de noir jusqu’aux paupi;res dans le soleil, comme si elle avait ramass; son ombre par terre pour s’en envelopper : Elle grandit;; la-bas elle est petite, l;, moyenne, ici, grande. Tout est l;.
11. — Et parce que nous marchions, les maisons jouaient avec leurs longues et larges lignes d’or.
12. — Et je dis oui, et je dis : Toutes les fois que tu as vu les deux bouts de la v;rit; en d;saccord, c’est que tu t’es tromp;.
13. — Puisqu’ils sont ins;parables.
14. — Recherche l’;clat de lumi;re et la justice des lignes, et tout le reste viendra par surcro;t. Le reste : la certitude caressante.
15. — Ce qui est miraculeux c’est que, fermant les yeux, tu fasses un monde. Mais ce qui serait beau, c’est que ce monde f;t celui qui est.
16. — Donc, ne t’amuse pas ; s;parer le vrai du r;el;; l’esprit, de la vie.
17. — Puisqu’il n’y a en tous lieux qu’une seule r;alit; et qu’une seule v;rit; : la m;me, qui n’est pas la m;me.
18. — Qu’il n’y ait jamais une petite id;e sans une petite chose.
19. — Qu’il n’y ait jamais une grande id;e sans une grande chose.
20. — Car si tu s;pares la r;alit; de la v;rit;, la r;alit; devient aveugle, et la v;rit; devient folle.
21. — Mais on est effray; de ce que peut cr;er dans le vide le dedans de la t;te.
22. — Le mal, c’est qu’on peut dire ce qu’on veut. Et m;me, qu’on peut faire dire ce qu’on veut ; ce qui a ;t; dit.
23. — Satan peut dire, s’il lui pla;t : N’est adorable que le bien. Et c’est un mensonge, ; cause de la bouche de Satan.
24. — L’hypocrite n’est-il pas quelqu’un qui dit de belles pens;es;?
25. — Les paroles des fous viennent de la multitude des paroles, dit l’Ecriture :
26. — Parce que les mots se laissent faire.
27. — Mais la v;rit;, pendant ce temps-l;, est muette.
28. — Didyme dit : Il faut toucher.
29. — Je r;pondis : Tu parles bien.
30. — Je veux ;tre l’esprit en chair et en os.
31. — Qu’on me touche.
32. — Qu’il y ait la main de la joie.
33. — Car la chair et l’esprit sont les deux choses d’une seule chose :
34. — La vie.
35. — Apr;s, nous rencontr;mes dans un coin une folle, qui ;tait sale et pauvre;; et sa robe tombait autour d’elle comme la pluie.
36. — Elle dit : Je suis heureuse, ;tant certainement la reine de Saba.
37. — Autour de moi ils disaient, ;mus de compassion : Il faut la laisser telle quelle.
38. — Non, il ne faut jamais respecter la folie.
39. — Que l’intelligence soit pure comme le jour.
40. — Et que des lignes droites rayonnent des t;tes.
41. — Et justement, nous rencontr;mes plus loin un homme qui travaillait;; et c’;tait un jour de sabbat;!
42. — Et justement, je dis ; cet homme qui travaillait au temps o; cela ne devait point se faire selon la Loi (car il chargeait son ;ne) : Homme, si tu sais ce que tu fais, tu es heureux. Mais si tu ne le sais pas, tu es maudit et transgresseur de la Loi.
43. — Comprendre d’abord.
44. — Croire sans savoir, c’est une m;choire sans corps.
CHAPITRE XIII
1. — Hilqiah venait pr;s de moi en rampant et en se servant de ses mains pour marcher.
2. — Sa jambe ;tait saine, mais seulement inerte. Et elle ;tait folle.
3. — Alors, s’il voulait, il marcherait.
4. — Je lui dis un jour ; haute voix au milieu de tous, qui tout d’un coup se sont tus : L’heure est venue o; tu dois gu;rir.
5. — L;ve-toi et marche;!
6. — Et on le vit se lever en chancelant, et faire des pas,
7. — Et avoir une figure effar;e et illumin;e d’enfant.
8. — Ceux qui assistaient ; ce beau d;chirement se prosternaient presque devant l’homme nouveau, tant cela ;tait doux et effrayant, et m’adress;rent de grandes louanges, disant : Tu es un vrai proph;te puisque tu fais des miracles.
9. — Alors, nous croyons en toi.
10. — Mais ils ne savaient pas la souverainet; que renferme chacun, et les richesses int;rieures de la foi, et que le cri : je crois, c’est une arme.
11. — Le pauvre Hilqiah savait moins encore que les autres combien il ;tait le cr;ateur de sa gu;rison.
12. — Il croyait qu’un souffle divin ;tait venu en lui, alors qu’il n’;tait venu que de lui.
13. — Car il ne savait pas la direction de la v;rit;.
14. — Quelque chose, en eux tous, ne voulait pas le savoir.
15. — Amis, il faut d’abord avoir confiance. C’est-;-dire : vous appuyer sur vous. Tout ce que vous demandez, si vous y croyez, sera accompli. C’est la foi qui sauve.
16. — Si vous avez la foi et que vous disiez ; cette montagne : Va d’ici, l;, elle irait — si vous ;tiez la foi. Exaucez vos pri;res.
17. — Et je fus entour; ce jour-l; d’une grande quantit; de peuple.
18. — En qui ;taient tous les miracles du monde.
CHAPITRE XIV
1. — Et d;j; je parlais ; quelques-uns qui venaient autour de moi
2. — Pour leur pr;cher l’;vangile de l’esprit.
3. — Et c’;tait au bord de la mer de Tib;riade.
4. — Et un matin je m’embarquai avec quelques compagnons qui ;taient p;cheurs.
5. — Car ils p;chaient les poissons, les petits monstres impuissants qui ont une cuirasse. Ils les extirpaient de la mer, et chaque poisson est finalement une ligne froide, ; l’;il grand ouvert, qu’on a dans la main.
6. — Le matin o; j’embarquai, on appareilla par le beau temps. Et plant;s sur le rivage, des femmes et des enfants nous faisaient signe et caressaient l’espace, semblables ; un jardin remueur ; la brise, quand les arbres, tout immobilis;s qu’ils sont, fuient devant la brise.
7. — Mais, alors que nous ;tions loin du bord, le vent se leva et s’assombrit, et nous f;mes mis dans la temp;te et la montagne ;croulante de noir.
8. — Et nous ;tions peu de chose au milieu de l’immense chaos.
9. — Car toute la mer se retournait.
10. — Et elle ;tait ivre.
11. — Et le ciel ;tait la mer.
12. — Et le vent roulait la mer en fleuve. L’horizon ;tait en lambeaux et on voyait passer des monstres d’eau, et sous les fouets noirs, les barques qui galopaient.
13. — Et notre barque s’emplissait de la grande mer et mes compagnons ;taient d;j; des naufrag;s.
14. — J’;tais calme et je levai les bras, ; la proue de la barque o; l’eau entrait lourdement comme de la terre, nous faisant avaler l’odeur du gouffre et le gouffre.
15. — Et ; ces quelques hommes cramponn;s et mouill;s, je criai, aussi fort, ; cause de l’;normit; du vent, que si j’;tais pench; sur une place publique :
16. — Pourquoi doutez-vous, hommes de peu de foi;!
17. — Tous les corps eurent alors une seule voix pour crier : Nous ne voulons pas mourir;!
18. — Et le poids des flots fut dompt; par la grandeur invisible de l’homme.
19. — Parce que je leur avais donn; leur propre courage et leur propre force, ils crurent que j’;tais un magicien de Dieu.
20. — Et il m’apparut que je devais les laisser encore croire cela pendant un peu de temps.
21. — Puisqu’ils n’;taient pas capables de penser et de construire selon la nudit;.
22. — Et j’eus une irritation triste de ce qu’il m’;tait d;fendu de verser mon c;ur dans leur c;ur, c’est-;-dire de leur donner tout ce qui est ; eux.
23. — Tu dois, si tu as raison, inspirer la confiance. Si tu ne l’inspires pas, prends-la.
24. — Mais quand verront-ils mon c;ur;?
25. — Quand dira-t-on, en me montrant du doigt : voici l’homme.
CHAPITRE XV
1. — Sur le banc qui ;tait le long du mur, si on se rappelle, et ;tait surmont; d’une couronne d’;pines,
2. — Un soir qui fut de ces jours-l;, je suis revenu comme un voyageur fatigu;, et m’;tant pench; dans l’ombre, je vis que le banc de pierre respirait.
3. — Car Jean Zacharie y ;tait assis, comme s’il n’avait pas boug;, par miracle, depuis que j’;tais parti d’aupr;s de lui, si on se rappelle, voil; des ann;es.
4. — Je m’assis ; ma place aupr;s de lui (Deux hommes forment c;te ; c;te dans l’ombre, une seule ombre, s;par;e au milieu par de la mort).
5. — Mais le soir ;te, comme je l’ai vu dans mes premiers jours, le masque de la figure sur la figure, et m;me le masque de la poitrine sur le c;ur.
6. — Et nous parl;mes bas, comme si la nuit ;tait petite.
7. — Et on ne voyait pas dans la nuit la couronne d’;pines, mais sachant qu’elle ;tait l;, on y croyait.
8. — Tu vois, je suis revenu.
9. — Je sais maintenant combien l’;uvre est joie, et combien cette joie est souffrance et guerre.
10. — Et que la paix ne sera pas faite avec la paix.
11. — Ne le sais-tu pas, dit-il.
12. — Maintenant, je le sais.
13. — Et m;me, je sais que je le savais autrefois.
14. — Puis, ayant dit ce que nous d;mes, il n’y eut plus qu’un silence qui nous ressemblait.
15. — Alors, ; moi qui ne bougeais point, il dit :
16. — O; vas-tu, Seigneur;?
17. — Ayant baiss; la t;te sous la couronne terrible suspendue, je r;pondis avec toute mon ombre :
18. — Ils ne verront mon c;ur que lorsque je l’arracherai de moi
19. — Peut-;tre, un jour.
CHAPITRE XVI
1. — Serais-tu le Messie;? me dit une femme.
2. — Non, je ne le suis pas.
3. — Cette femme soupira, et regretta ce que j’avais dit.
4. — Ensuite, relevant la t;te, elle demanda : Alors, dis-moi o; il est.
5. — Il est dans le futur.
6. — Le Messie ouvre charnellement l’avenir.
7. — Et lui donne un c;ur.
8. — Et il le mesure comme une borne mouvante.
9. — Croire en sa venue, c’est prendre notre vraie forme qui se pr;cipite et qui ne finit pas.
10. — Jean Z;b;d;e ;tait avec nous. Il ouvrit la bouche et dit : Mais le jour o; on annoncera : Il est venu, la grande ;me d’Isra;l ne cessera-t-elle pas d’avancer;?
11. — Et ses ;ges ne seront-ils pas ferm;s;?
12. — Et Jean se d;tourna, n’osant ajouter un mot de plus.
13. — Moi, je repris : Le Messie n’est pas ce qu’on croit.
14. — Jean me dit : R;p;te ce que tu as dit. Car on ne le voit pas encore bien.
15. — Je r;pondis : Le Messie, c’est l’esprit, et l’esprit est en nous.
16. — Le royaume de Dieu est comparable ; une petite graine qui fera un arbre. L’arbre ;tait donc dans la graine, et la v;rit; du monde est en nous. Ou bien, il est comparable au tr;sor qu’un homme a trouv; dans un champ, ; ses pieds, et qui, une fois dans ses mains, rayonne. Nous ne sommes jamais des ;trangers dans le royaume de la v;rit;, mais nous ne le voyons pas toujours. La royaut; de le voir est en nous. Le r;gne de Dieu ne viendra pas tout d’un coup avec ;clat, et on ne criera point : Le voici, il est ici, ou : le voil;, il est l; : car, voici : Le r;gne de Dieu est au milieu de vous. Cela n’est-il point clair comme le jour;?
17. — Mais Jean r;pondit : Tu disais : Il est dans l’avenir;; comment dis-tu maintenant : Il est dans le pr;sent;?
18. — C’est que toi, le porteur de Dieu, tu es en m;me temps le pr;sent et l’avenir, si tu es vivant. Car l’homme, instant par instant, se divise en deux hommes, dont l’un tombe en arri;re et l’autre tombe en avant. Si tu dis : hier, tu dis la mort;; si tu dis : demain, tu dis la vie. Dire d’un Messie : Il est l;, c’est dire : Il ;tait l;.
19. — Car il faut l’attendre, pour s’appuyer sur lui.
20. — Le pr;sent, c’est le commencement.
21. — Que ceux qui ont des oreilles entendent;; et comprennent jusqu’au c;ur.
22. — Ils me demand;rent : Que penser des vieux proph;tes;?
23. — Vous abandonnez le vivant qui est devant vous, et vous bavardez des morts.
24. — Assez des choses d’autrefois. Voici, on va faire une merveille nouvelle.
25. — O; va-t-on;? R;ponse : on va.
26. — La mort seule a une forme. La vie est informe. Mais comment b;tir sur l’avenir, s’appuyer sur les choses qui ne sont pas;?
27. — Sur ces entrefaites, on en vit passer qui allaient semer.
28. — Tu le vois, celui-l;, porter des graines;? Il b;tit sur l’avenir, il est tout soutenu par l’immense moisson qui n’est pas.
29. — Jean Z;b;d;e dit : Alors, la v;rit; ne serait plus invisible;?
30. — Il ;tait debout et avait les bras crois;s. Je vis son front se plisser et s’abaisser vers ses bras crois;s. Il pensait en avant de lui et au-dedans de lui comme une m;re. Il regardait la v;rit; qui commen;ait ; marcher.
31. — Et il cria comme un malade qui crie pour essayer d’effrayer la douleur : Si tu lui donnes la vie (; l’esprit), tu en fais un ange de destruction.
32. — Et il eut peur, et fit signe que non.
33. — Mais au moment o; il faisait : non, il voyait.
34. — Les yeux de ta face, qui font venir les choses devant.
35. — C’est ici la porte des cieux.
36. — La r;volte.
CHAPITRE XVII
1. — L’une est debout dans la maison, marchante, portant un objet, et toujours approchante.
2. — L’autre assise, immobile, regardant l’espace comme un miroir, me regardant, et toujours approchante aussi, encore qu’immobile.
3. — C’est cette Marthe, et c’est cette Marie, les deux femmes de la t;che caressante autour de moi.
4. — Marthe. La m;nag;re, la servante, la tisseuse des minutes.
5. — Elle disait : C’est pour que celui qui est pr;cieux n’ait rien d’autre ; faire qu’;tre pr;cieux. Et j’ob;issais ; son ob;issance.
6. — Elle me disait : Si tu prenais le mauvais chemin, je le prendrais aussi, afin qu’il soit le bon pour moi.
7. — Marie-Madeleine. Elle ne faisait rien.
8. — Sinon ;tre l;.
9. — Pourtant, une fois, elle versa sur moi un vaisseau de parfum, m’essuya les pieds avec ses cheveux, puis elle recommen;a ; ne rien faire, de toute sa vie. C’;tait l; son service. Et j’ob;issais ; son ob;issance.
10. — Une fleur ;tait l;, qui mourait dans un vase.
11. — Elle dit, se rappelant le beau colloque de quelque soir : C’est comme une parole d’amour apr;s qu’elle a ;t; dite.
12. — Toutes les deux qui me rompez votre c;ur, comme du pain.
CHAPITRE XVIII
1. — Judas Iscariote sortit d’un coin et me tira par ma robe tandis que je passais.
2. — Puis-je te parler, Seigneur;? Voici.
3. — Et il me regarda de travers, et me dit : Seigneur, j’ai quelque chose contre toi.
4. — C’est cette affaire du vaisseau d’huile parfum;e que cette femme t’a vers; d’un seul coup sur la t;te pour s’amuser.
5. — Moi je tiens la bourse. C’;tait toute notre provision. Il y en avait au bas mot pour trois cents deniers.
6. — Tout un vase de parfum, d’un seul coup, l;;! Non, mais ; quoi ;a ressemble;! Elle est folle, cette bonne-femme. Et puis, c’est-il des mani;res d’essuyer les pieds du Rabbi avec ses cheveux;? Et tu avais l’air, Seigneur, de trouver ;a tr;s bien.
7. — Et il grondait comme un chien debout.
8. — Judas Iscariote est un pauvre homme de bonne volont;, mais c’est une petite ;me.
9. — Il n’y a pas de pires ennemis que les pauvres petites gens qui veulent surtout qu’on dise d’eux : Celui-ci n’est pas fou.
10. — Toutes les fois que je le rencontre, c’est comme si je me cognais ; un arbre.
11. — En ce temps-l;, ils m’amen;rent quelque chose qu’ils poussaient et qui ;tait une femme cachant sa figure, et informe, et empaquet;e d’;pouvante.
12. — Elle a ;t; surprise en p;ch; d’adult;re. Faut-il, oui ou non, la lapider selon la loi;? R;ponds.
13. — Ils disaient cela pour m’embarrasser, tandis que la femme tremblait de cette mort proche toute m;l;e ; sa chair vive, et que d;j; les cris de la foule la lapidaient.
14. — Que celui qui n’a jamais p;ch; lui jette la premi;re pierre;!
15. — Les discuteurs ne surent quoi r;pondre ni quoi faire, et se dispers;rent, avec leurs grosses mains de pierre.
16. — Il faut ;tre dur de principes afin de bien construire le devoir, parce que tout ouvrier est dur, mais faire bien attention de ne jamais l’;tre dans la vie plus qu’il n’est besoin.
17. — Car dites-vous bien, vous tous, que la justice n’est pas faite pour ;tre lourde ; chacun, mais pour ;tre ; chacun aussi l;g;re que possible. Elle ne doit point frapper, mais on s’y frappe, si on veut.
18. — Car c’est le calme qui a raison.
19. — Heureux les d;bonnaires, car ils h;riteront de la terre. La douceur est la s;ur exacte de la justice, car toutes deux sont de l’esprit, et toutes deux ouvrent leurs yeux avant d’ouvrir leur c;ur.
20. — Et plus la justice est d’intelligence, plus elle est douce et souple.
21. — Comme la foule s’;tait retir;e du spectacle qui n’avait pas ;t;, quelques-uns se tra;nant vilainement d’avoir comme aval; leurs pierres, je dis ; la femme : Allons, va et ne p;che plus.
22. — Elle descendit vers la ville et s’;loigna.
23. — Car elle avait une robe verte.
24. — Au loin, ; mes pieds, il y avait l’image de la ville qui finissait en poussi;re.
25. — J’;tais assis sur la margelle de la citerne, et avec une baguette, je me mis ; ;crire des mots par terre, sur la poudre o; fut toute la journ;e l’ombre de nos gestes, comme je faisais avant qu’ils ne fussent venus.
26. — Puis ayant regard; par-dessus mon ;paule et m’;tant pench; en arri;re, et l’eau ;gale de la citerne me soufflait la fra;cheur, j’ai vu mon reflet sur le plateau noir de cette eau.
27. — Ma robe de tissu gris sur mes ;paules maigres, mes cheveux en d;sordre, ma figure p;le.
28. — Cette figure-l; que la d;tresse de tous a enlaidie.
29. — Et mes paupi;res un peu rougies comme les ont ceux qui sont consol;s.
30. — Et mes yeux un peu hagards
31. — A cause de tout ce qu’il faudrait faire.
32. — Et j’ai pens; : Qu’ai-je fait jusqu’ici;?
33. — Et j’ai pens; : Combien d’autres, qui sont maintenant noy;s, ont voulu la m;me chose que moi.
34. — Et sans doute, il y a cent ans, et il y a mille ans, dans ce coin, un homme aujourd’hui perdu comme je le serai, m’a ressembl;. Dans son c;ur qui a battu, il a essay; d’;tre l’homme des hommes. Et comme ; moi, ses bras sont retomb;s, d;courag;s de travailler le monde, et de faire de l’espoir avec du d;sespoir.
CHAPITRE XIX
1. — Jean, fils de Zacharie, ;tait dans le pays, et il pr;chait.
2. — Et souvent l; o; je passais, il avait pass;, ou bien allait passer.
3. — Parmi la plaine sans couleur et les mauvaises pierres qui la pavaient toute, voici donc, entre les deux taches tr;s vertes de deux arbres fris;s en boule, les fortes taches jaunes et bleues de ses v;tements, et sa figure rouge aux traits noirs et une de ses mains noires un doigt point; en l’air, et son bras gauche qui ;tait tr;s long ;tant continu; par un b;ton.
4. — Il ;tait d;charn; et furieux tel un homme sauvage, la joue creuse et le ventre creux, et les ressorts de sa chair ;taient durs, car il s’;tait nourri de sauterelles, et il parlait en langue vulgaire, et il frappait par ses cris la t;te de ceux qui venaient l’entendre, comme un casseur de pierres.
5. — Car c’;tait un bon ouvrier d;molisseur. Il assommait et rompait les idoles, jusqu’au noyau de lumi;re qu’elles ont toutes. Car elles empruntent de la dignit; ; leurs artisans, et m;me dans le Veau d’or, il y a un peu de sang.
6. — Il disait, et ses l;vres remuaient ;norm;ment, et ses yeux roulaient dans les plis farouches de sa figure, et sa bouche devenait carr;e :
7. — Vous ressemblez ; l’autruche, l’oiseau-chameau. Et personne, jamais, nulle part, ne fut plus b;te que vous.
8. — Et comme vous l’a souhait; David, que votre table vous devienne un pi;ge et un filet, et vous fasse tomber, et cela pour votre r;tribution.
9. — Gare ; vous;!
10. — Tout son corps est crisp; dans la recherche des coups de voix.
11. — Il crie, il remplit les mots. Il leur met son sang. Il forge une foule ; lui dans la foule. Il fait reculer la confusion en eux. Et elle recule comme un b;tail. Chacune de ses paroles fend et ouvre, et alors, il suffit d’une goutte de clart; pour faire d;border l’homme.
12. — Et il les lavait d’eau, pour qu’ils comprissent qu’il faut se laver l’;me.
13. — Un jour il vint o; j’;tais, et je l’entendis parler avec Judas Iscariote et le malmener en raison de sa prudence et de son ;troitesse.
14. — Judas lui disait : Ma;tre, qu’as-tu contre moi;?
15. — Il r;pondit : Rien, parce que tu n’es rien.
16. — Tu fais ta petite ;uvre, mais tu n’es ni froid ni bouillant. Pl;t ; Dieu que tu fusses ou froid ou bouillant. Mais parce que tu es ti;de je te vomirai de ma bouche.
17. — Puis Jean-Baptiste me vit qui venais ; lui et dit : Celui qui est venu apr;s moi est plus grand que moi, et je ne suis pas digne de d;lier les cordons de ses souliers.
18. — Il vient, de toute sa hauteur. Et il est p;le comme l’orient.
19. — Mais voici qu’on ne vit plus Jean Zacharie.
20. — Parce qu’il avait ;t; emmen; en prison.
21. — Comme tous ceux qui font ce qu’ils pensent.
22. — Un jour, des soldats, enfants du pauvre peuple romain, violent;rent et li;rent
23. — Celui qui voulait d;livrer les hommes.
24. — Et ce spectacle autour de lui ;tait criant.
25. — Comme si c’;tait lui qui criait encore.
26. — Et moi, avec quelques-uns, je quittai les chemins, la face tourn;e au d;sert,
27. — Pour aller voir le lieu o; il se tenait parfois quand il ;tait l;.
28. — Apr;s le chemin de trois jours de d;sert, dans le d;sert o; il n’y avait point de chemin, il y eut sa pauvre cabane, qui nous laissa entrer.
29. — Le seuil couch;, le mur debout, des pierres autour, des pierres.
30. — Son d;part avait creus; tout cela ; perte de vue, jusqu’au fleuve, et partout son silence refroidissait.
31. — Et d’;tre r;unis l;, ses disciples ;taient tout dispers;s.
32. — Parce que Jean s’;tait envol;.
33. — Dans sa cabane, une masse de terre ou de boue formait comme une table, et sur cette table, des signes ;taient ;crits.
34. — C’;taient des morceaux de lui,
35. — Que son doigt avait trouv;s et mis.
36. — Et nous avons lu cela, et nous nous sommes pench;s sur lui dans le trou de son absence, pendant que les autres attendaient que nous ayons fini, nous qui lisions :
37. — Vous ressemblez ; l’autruche, la fille des cris.
38. — Et l’;criture du doigt de Jean disait ; la suite :
39. — Et Balaam, fils de B;hor, dit, et l’homme qui a un ;il ouvert, dit :
40. — Vous ;coutez, comme des augures, l’orateur sourd, et le vent des mots, et les vieux, qui ont dedans leur cr;ne, des ossements, et dont les yeux sont du verglas.
41. — Mais voici : Une ;uvre. Une chose. Quoi;? La plus grande.
42. — (Et cela que je rapporte, c’est le testament que l’homme qui n’;tait plus l; avait ;crit avec son doigt sur le ventre de la boue. Ceci y ;tait encore ;crit, annon;ant la grandeur :)
43. — Et l’homme dit, et l’homme qui a un ;il ouvert, dit :
44. — Quelle ;tait la plus grande chose;? J’ai dormi;; mais pendant mon sommeil une telle obscurit; est tomb;e sur moi, que j’ai eu peur.
45. — Et alors, un jour fumant, et un brandon de feu qui passa sur la plus grande chose,
46. — Qui ;tait la tour qu’ils avaient voulu ;lever jusqu’au ciel;!
47. — Et Dieu dit alors, selon les Ecritures : S’ils sont unis et forment un seul peuple, et si, en plus, ils travaillent, alors moi, Dieu, je suis perdu.
48. — Donc, brouillons le travail et d;chirons l’unit; du peuple, et pour cela, divisons leur propre parole, nous, les dieux.
49. — Et servons-nous pour cela de leurs bouches elles-m;mes, et de leurs t;tes, coquilles de lumi;re.
50. — Il le fit, et ils ne se comprirent plus, parlant des langues ennemies enti;rement en guerre l’une contre l’autre.
51. — Et, m;me parlant la m;me langue, ils ne se comprirent plus sur la terre.
52. — Car lorsque l’;uvre des hommes est grande, ce n’est pas le feu du ciel qui peut la d;truire.
53. — Mais les hommes eux-m;mes.
54. — Ce sont les hommes qui font, ou bien qui ne font pas, ou bien qui d;font.
55. — Et la tour s’arr;ta de monter, et redescendit doucement vers les plaines.
56. — Et les peuples furent maudits par les peuples.
57. — Et ; la fin, on criera : Seigneur, qui donc es-tu;?
58. — Je suis celui qui a dit, aux premiers jours, ce que l’Ecriture a ;crit : Si l’homme mange du fruit de la connaissance, il sera semblable ; nous, les dieux, et il ne le faut pas.
59. — Car il transporterait les montagnes.
60. — Car il aurait la foudre de soleil.
61. — Je suis l’Ennemi divin.
62. — Jean Z;b;d;e ;tait avec moi.
63. — A qui je dis : Tu entends…
64. — Qui me r;pondit : Je vois.
CHAPITRE XX
1. — Je montai sur une montagne, suivi de quelques fid;les.
2. — Nous nous arr;t;mes, et nous nous retourn;mes, et toute une foule montait ; moi, attir;e.
3. — Et voyant ce peuple que je tra;nais, je voulus lui parler, car c’;tait l’heure d’accomplir le devoir de parler en grand.
4. — Afin que ma croyance retent;t
5. — Et que la simplicit; f;t visible.
6. — Mais un instant, je ne sus pas comment commencer
7. — A cause de la grandeur du commencement.
8. — Il y avait des enfants qui ;taient l;, c;te ; c;te, les uns avec des bonnets, les autres la t;te toute nue, et tous avec des robes aussi d;chir;es qu’une broderie, d’o; sortaient des paires de petits pieds.
9. — Et ils voulaient s’approcher plus, et on leur disait, les grondant ; demi-voix : allez-vous-en.
10. — Il y avait surtout, au premier rang, des pharisiens, des scribes et des docteurs.
11. — L’un d’eux dit ; haute voix pour qu’on l’entend;t : Comment cet homme parlerait-il des Ecritures, ne les ayant jamais apprises;?
12. — Mais ma voix criante se saisit de celui-l; : Comment parleriez-vous de la v;rit;, ne l’ayant jamais apprise;?
13. — Un scribe me cria, me d;signant du doigt :
14. — Tu as gu;ri un paralytique un jour de sabbat;!
15. — Hypocrites, devais-je le laisser emprisonn; un jour de plus;? Le sabbat a ;t; fait pour l’homme et non l’homme pour le sabbat.
16. — Mais vous ;tes de ceux qui disent : Faites ce que je dis et ne faites pas ce que je fais. Car vous dites et ne faites pas.
17. — Car vous n’;tes pieux que de gestes et que du bout des l;vres. Vous faites l’aum;ne au son de la trompette et appelez l’attention ; grands cris, et vous priez debout en pleine rue pour qu’on vous voie, et vous vous cognez aux murs tant vous baissez la t;te pour ne pas regarder les femmes. Et vous savez tr;s bien vous taire, vous, les vomisseurs des grands mots.
18. — Et le peuple m’adressa un ;norme cri de joie comme un grand fr;re ; un petit.
19. — Car il ;tait content de la v;rit;.
20. — Et leur grand silence s’ouvrit vers moi.
21. — A ce moment-l;, j’avais deux mille c;urs, comme eux.
22. — Ma parole fut ma chair et mon sang.
23. — Faites ; autrui ce que vous voudriez qu’on vous f;t.
24. — Ne faites pas ; autrui ce que vous ne voudriez pas qu’on vous f;t.
25. — C’est le signal dans la temp;te humaine.
26. — Car tout homme est pareil ; tout homme.
27. — Mais cela vous engage loin, car c’est tout l’accomplissement de la justice terrestre
28. — Jusqu’au bout.
29. — Et les constructions de la nature sont grandes mais informes.
30. — Mais les monuments des hommes ont la sym;trie de justice.
31. — Et ainsi sera sous le ciel le monument des temps,
32. — Que tous les ouvriers ensemble feront.
33. — Et faites rentrer en vous toutes ces choses que vous avez laiss;es se dess;cher en dehors de vous.
34. — Car la lettre est en dehors de vous, mais l’esprit est en vous.
35. — Jour et nuit refaites selon l’esprit.
36. — Et croyez en vous-m;mes.
37. — Vous ;tes pris dans des pratiques, des observances et des r;gles, comme dans des filets.
38. — Et aussi dans des pr;ceptes morts.
39. — D;sesp;rez des apparences, et dites : Non.
40. — Car vous incarnez la justice.
41. — Repoussez de la main ces docteurs qui sont des ignorants ne sachant qu’une chose, qu’ils appellent la Loi, mais qui n’est que leur loi.
42. — Et qui, dit le proph;te, suivent le mauvais chemin, leur pens;e en avant d’eux comme une enseigne.
43. — Heureux les simples d’esprit, car devant eux s’ouvrent plus de portes que devant nous.
44. — Laissez venir ; moi ces petits enfants, et ne les emp;chez pas, car le royaume des cieux est ; ceux qui leur ressemblent.
45. — Et il serait beau de nous mettre ; leur hauteur.
46. — Le ciel n’est pas un objet qu’on gagne en levant les bras en l’air.
47. — Ayez du ciel en vous-m;mes.
48. — Et vous ferez par vous-m;mes.
49. — Et alors, artisans du r;el, vos bras vous soul;veront.
50. — Vous les simples, les pauvres, les nombreux.
51. — Vous le peuple paralytique.
52. — Mettez-vous au commencement des choses.
53. — Recommencez.
54. — Le peuple juif est un petit peuple et une grande ;me
55. — Dont je suis le d;positaire
56. — Et l’annonciateur.
57. — Pour sauver ceux qui sont perdus.
58. — Ce jour-l;, ils se sont avanc;s vers moi. Les enfants ont cri; : Hosanna, et le peuple m’a pris dans ses bras.
59. — Et je leur donnai rendez-vous au Temple pour l’avant-veille de la P;que.
60. — Et Jean Z;b;d;e me dit : J’ai vu ton ;me ;tincelante ; travers ta forme, et tu avais une ;p;e qui te sortait de la bouche.
61. — Puis, ; l’heure de l’oblation du soir, nous nous trouv;mes trois hommes tout seuls sur la route qui s’en va,
62. — Moi, et Simon bar Juda, et Paul, mes disciples. Car ils s’en allaient loin, avec la route.
63. — Car ce Simon m’avait dit : Je t’ai ;cout;, je t’ai compris. Ta parole a p;n;tr; en moi. Elle est entr;e par un bout de mon c;ur. Elle sortira par l’autre bout. Je vais de ce pas la crier aux hommes.
64. — Et ce Paul m’avait dit de m;me : J’ai compris. Ta lumi;re est tellement en moi que m;me dans la nuit, je l’entends;; et moi aussi, je serai le cri de ta voix, port; par mes jambes.
65. — Et quelque chose faisait de nous trois le m;me homme.
66. — Tous deux me quittaient donc pour aller pr;cher selon moi. Je les accompagnai pendant un bon bout de chemin, (et en haut, quelques ;toiles prenaient les devants), puis au premier croisement des chemins, ils me quitt;rent et se quitt;rent, l’un prenant un chemin, l’autre un autre.
67. — Pour enfanter ma parole.
CHAPITRE XXI
1. — J’entendis les discours de Mis;a;l qui ;tait des n;tres depuis peu :
2. — Comment r;pondre quand on dit : Si Dieu a tout cr;;, il a cr;; aussi le mal;?
3. — Jean Z;b;d;e r;pondit tout de suite comme quelqu’un qui a d;j; r;fl;chi ; la chose : On ne peut pas r;pondre ; cela, et il faut parler d’autre chose.
4. — Didyme, qui en avait gros sur le c;ur, et qui ;tait toujours m;content (et je l’aimais pour cela), intervint avec col;re :
5. — Pourquoi l’homme bon m;ne-t-il une vie courte et pleine d’ennui;? Il crie et il n’y a pas de jugement. Il prie comme quelqu’un qui parle tout seul. Puis il perd ses forces et il expire, il se couche par terre, et o; est-il;?
6. — Et pourquoi, ainsi que Job l’a demand;, les m;chants vivent-ils et vieillissent-ils en m;chancet; et en prosp;rit;;? Pourquoi ce Job, le m;me qui a demand; cela, a-t-il ;t; endeuill;, d;pouill;, et pourri ; vif, et a-t-il dit ; la fosse : Tu es mon p;re, et aux vers : Vous ;tes ma famille, — pour que Dieu et Satan pussent faire un jeu et un essai avec lui;?
7. — Car la souffrance, dit Didyme, est ineffa;able, et quelle est la raison pour laquelle l’innocent puisse ;tre, m;me pendant un instant d’instant, trait; en malfaiteur;? N’y aurait-il qu’une goutte de sang sur la terre, devrait-elle ;tre vers;e;? Cette goutte de sang n’est-elle pas aussi lourde que toute la bont;;? Et puisque la souffrance est une ;uvre vaine, pourquoi Dieu l’a-t-il cr;;e ; travers les chairs et les os de l’homme;?
8. — Et Didyme cria ; haute voix, selon sa nature : Les ;preuves sont des abominations.
9. — Comme il ;tait entra;n; sur la pente de lui-m;me, il clama : N’e;t-il fait que le mal;! Mais pourquoi a-t-il condamn; ; mort;?
10. — Seigneur, cr;ateur incessant des cadavres;!
11. — Mais il se tut en entendant les murmures par lesquels les autres murmuraient contre lui.
12. — Nathana;l dit : Nous ne saurions rien dire ; cause de nos t;n;bres, et si quelqu’un veut en parler (de Dieu, et du mariage de Dieu et de la souffrance), il en sera comme englouti.
13. — Car l’homme n’est rien, et se justifier, ou expliquer, ce serait se jouer du Dieu de l’ordre ;tabli, et se poser comme l’;gal de celui dont Job, le g;ant de l’Ecriture, a dit : M;me s’il me r;pondait, je ne croirais pas qu’il m’a ;cout;.
14. — Je dis : Quand on a dit que Dieu a tout fait, on est oblig; de mentir ; ce qu’on a dit, et d’ajouter : d’autres que lui ont fait le mal. D’autres : ceux qu’il y a : nous autres. Et on explique la souffrance et la mort par le mal.
15. — Mais c’est expliquer la nuit par l’ombre.
16. — Cette affirmation troubla ceux qui ;taient l;. Je vis qu’ils songeaient avec terreur ; ces doctrines idol;tres bas;es ; la fois, ;galement, sur le blanc et le noir.
17. — L’un dit : Ces choses ne doivent pas ;tre dites. Et j’en vis qui, au dedans d’eux, se retiraient de moi.
18. — Car ils voyaient un trou se faire dans l’espace.
19. — Mais je dis : C’est la preuve criante que tout est en nous.
20. — Nous avons en nous le gouffre de douleurs, et la source de v;rit; et les sources d’erreur. Et nous tenons aussi la royaut; de d;sob;ir, et la royaut; d’ob;ir. Alors, crions droit.
21. — Et ils voyaient le commencement changer de place.
22. — Ils baissaient la t;te et ne me regardaient plus, de peur de voir.
23. — Et ces hommes ;taient ;branl;s comme des montagnes.
24. — Tout cela, que je dis, est ;crit en moi.
25. — Et en eux. Je dirai ce qui est ;crit en moi et dans les entrailles de la foule. Et je le crierai sur les toits.
26. — La parole d’une foule, c’est un parleur.
27. — Il faut parler. Il faut dire ce qui est, m;me si beaucoup de bouches ont parl; autrement.
28. — M;me si toutes ont parl; autrement.
29. — Si je me tais, je meurs. Mais ayant parl;, si je meurs je ne me tais pas.
30. — Une voix m’est revenue le soir tandis que je m;ditais seul, une voix que j’avais entendue dans la journ;e, la voix famili;re d’une t;te pench;e vers moi, qui disait :
31. — J;sus, tu ne dis que des choses simples, mais elles sont trop simples. Alors, ta pr;sence est redoutable, et quand on vit aupr;s de toi, on est ;cras;.
32. — Parce que tu es ma;tre des yeux.
33. — O toi, pl;nitude de ce que je vois;!
34. — Et l’autre ;tait triste parce qu’il avait oubli; : J’ai oubli;, j’ai oubli;. La douleur elle aussi, m’a quitt;, et laiss; seul comme un mort. Ces choses d’il y a vingt ans, cette femme et cet enfant qui m’enla;aient, je les ai oubli;s comme le fond des ;ges. Et c’est ; peine, h;las, si je sais encore que j’ai ;t; malheureux.
35. — Et sa d;tresse cherchait ma main, pour s’enrichir.
36. — Mais Lazare qui nagu;re, n’avait jamais pu souffrir, m’a dit un soir : J’;tais mort, et tu m’as ressuscit;.
CHAPITRE XXII
1. — Je passai pr;s d’une ville appel;e Sichem, et ; l’endroit o; est le puits de Jacob, je rencontrai une femme et lui demandai ; boire, mais elle me r;pondit :
2. — Sais-tu qui je suis pour me demander ; boire;? Je suis une Samaritaine. Et nous croyons que Dieu habite sur cette montagne-l;, tandis que vous autres, les Juifs, vous dites qu’il habite ; J;rusalem.
3. — Femme, le jour est venu o; l’on n’adorera plus Dieu ; J;rusalem ou sur la montagne, mais en esprit et en v;rit;.
4. — Elle dit : O; est-il;?
5. — Il n’est pas dans les sanctuaires faits par la main des hommes.
6. — Tu cherches son image pour dire : elle est l;, et tu veux lui donner une forme du dehors.
7. — Pourtant, il est dit : Tu ne feras pas d’images.
8. — Et personne n’a le droit de prononcer le Nom, que l’on conna;t pourtant depuis Mo;se, pour ne pas faire un commencement d’image. Dieu est en secret.
9. — Cette femme, qui ;tait une femme, me dit : Je te prie, apprends-moi ton nom.
10. — Je r;pondis : Pourquoi me demandes-tu mon nom;?
11. — Elle dit : Alors, b;nis-moi.
12. — Quand elle fut partie, ;tonn;e, un peu ;clair;e et augment;e, sur le chemin qu’avaient foul; Abraham, Isaac et Jacob, avec leurs pas gigantesques et leurs grands troupeaux,
13. — Je songeai, et me livrai au commandement qui nous d;livre.
14. — En esprit et en v;rit;. Tu ne feras pas d’images.
15. — Et j’allai dans ce commandement jusqu’en haut.
16. — Car lorsque je dis que Dieu est quelque part en dehors de nous, je fais une image.
17. — Je fais du ciel une chose, et du tonnerre un personnage.
18. — Et cela est grossier et sensuel.
19. — Dieu est en nous. Donc il n’est pas ailleurs.
20. — Et ils disent que le Dieu fort se prom;ne sur le tour des cieux et que le soleil vient de ses entrailles, et ils en font le plus grand de tous les Orientaux.
21. — Et ainsi, comme on le leur a imput; ; crime, ils se prosternent devant l’ouvrage de leurs mains.
22. — L’homme-justice que clamait Elkania, est fait avec l’homme, qui est en bas, et avec la justice, qui est int;rieure.
23. — Car nous avons en nous les racines de l’arbre de r;gularit;.
24. — Et David n’a-t-il pas chant; : O Dieu de ma justice;!
25. — Nous en avons besoin, de l’Etranger d;mesur;, et ce besoin est Dieu.
26. — On a peur de Dieu, et cette peur est Dieu.
27. — Nous faisons des idoles avec du bois et du m;tal.
28. — Et aussi avec des mots, qui sont des images dans les signes, et avec des id;es, qui sont des images dans la lumi;re.
29. — Et aussi avec le cri de nos c;urs.
30. — Et nous disons : Ce cri, en dehors de nous, c’est quelqu’un.
31. — Mais ce n’est qu’une pri;re.
32. — Autrefois, quand nos p;res n’avaient encore que peu de clart;, ils adoraient dans le Tabernacle deux pierres qui ;taient Dieu.
33. — Ainsi faisons-nous. Seulement, les deux pierres noires sont devenues aussi grandes que le monde.
34. — Le Dieu-monde, l’idole des idoles.
35. — Sacril;ge de mes regards, carnage de mon c;ur.
36. — Du fond de mes ab;mes d’angoisse, j’ai cri; : Non;!
37. — Tout est en nous, et notre cri ne se d;passe pas, et notre bras tendu en avant ne se d;passe pas, et nous n’allons pas plus loin que nous, m;me fous de r;ve et furieux de d;sespoir.
38. — Alors Dieu n’est-il qu’en nous;?
39. — Oui, il n’est qu’en nous.
40. — Il est en nous comme les morts qu’on a aim;s et qu’on fait vivre. C’est une m;l;e o; il n’y a que nous. Dieu est en secret. En esprit, dites-vous. R;ellement en esprit. Dieu de bas en haut;!
41. — Il serait meilleur qu’il f;t en dehors de nous, que la pluie e;t un p;re, et que quelqu’un d;t au feu ce qu’il doit faire, car s’il ;tait l;-bas, les mourants feraient semblant de mourir;; et l’endeuill; sentirait sa solitude se d;doubler, et la destin;e serait une grande balance, et on serait tranquilles.
42. — Mais il n’y est pas.
43. — Et dire : Dieu existe ; travers le monde de l’apparence, c’est aussi insens; que de dire : Il faut ;tre heureux.
44. — Et croire parce qu’on aurait int;r;t ; croire, c’est une prostitution de l’;me. Tu te livres pour de l’argent.
45. — Tu referas toujours ton c;ur.
46. — Tu referas toujours l’;uvre de cr;ation de l’esprit,
47. — Sans tache.
48. — Et tu n’abdiqueras pas devant une image pos;e devant toi.
49. — Et qui vient de toi, m;me si elle joint l’orient ; l’occident.
50. — Je retournai au milieu de ces cr;ateurs de Dieu.
51. — Ils disaient du ciel bleu : Je le vois qui me touche.
52. — Ils disaient : Gloire ; Dieu;! Tout va de Dieu ; nous.
53. — Moi, je songeais : Tout va de nous ; Dieu, m;me Dieu.
54. — Celui-l; me disait : j’;tais idol;tre. Je ne le suis plus depuis la nuit o; tu as cri; que le grand Pan ;tait mort.
55. — Il ne savait pas jusqu’; quels ab;mes je l’avais cri;.
56. — Celui-l;, hors de lui, criait : Dieu;!
57. — Et un enfant qui se trouvait aupr;s de moi, dit en voyant cet ;plor; secou; par terre et clamant comme un buisson au vent : Il crie cela comme si ce n’;tait pas vrai.
58. — Et ainsi, j’aper;us la Restitution.
59. — Humanit;, pauvret;, grandeur, et salut;!
60. — Car ; ce Dieu imagin;, on attachait tout l’imaginaire.
61. — Ils lui faisaient dire ce qu’ils voulaient. Ils faisaient venir leurs erreurs et leurs crimes de lui ; nous.
62. — Et toute leur politique aussi.
63. — Et on a tiss; des paroles dans l’air du temps, et on en est li;, et on se cogne aux cauchemars qu’on a jet;s.
64. — La r;gle de justice est sortie de la chair massacr;e et du r;ve massacr;. Mais ils en ont fait le t;tragramme ;blouissant
65. — Pour s’en servir.
66. — Et ils ont rapetiss;.
67. — Et les hommes, les pauvres hommes ; qui il est dit : Meurs ; la t;che. Tue ou sois tu; — sont refoul;s par ce Spectre lorsqu’ils veulent peupler leur grand r;ve.
68. — Car s’ils commencent ; faire un mouvement, ils sont ;cras;s. On les accable avec la grandeur du monde : avec le poids des blanches montagnes cuirass;es, et avec le poids creux de la mer, et de la lumi;re, et le tourbillon des vents et des pluies et des fleuves, et la grande invasion ronde de la vie. Et toute la nature se jette ainsi sur eux sous forme de Dieu. Et tout l’inconnu aussi devient connu pour se renverser sur eux. Et ils n’osent m;me plus dire : Je suis juste. Ils n’osent rien dire dans la d;solation de la perdition. Ils mettent leurs mains sur leur bouche. Et quand ils parlent, les voil; qui d;chirent leur propre chair avec leurs dents, depuis que le ciel a ainsi le dessus sur nous.
69. — Les ;tres sont an;antis par ce qui n’est pas. Et on arrache ; l’homme une foi antihumaine.
70. — Mais j’ai vu, ; mesure que j’ai grandi, grandir en moi le commencement de tout.
71. — Et s’amonceler la richesse de notre solitude.
72. — Nous, les rois de Dieu.
73. — Nous qui sommes l’endroit o; la terre et le ciel se rejoignent.
74. — Nous, le monde des mondes.
75. — Notre imploration ; le poids d’une source vive.
76. — C’est toute la taille de Dieu sourd.
77. — Plant;e en nous.
78. — Et c’est l’espoir de l’homme qui est la chair de Dieu.
79. — Ceci est la bonne nouvelle de Dieu.
80. — Car une ;norme esp;rance vient comme un levier.
81. — Je la vis d’avance ;tre l;.
82. — Car les hommes sortiront du p;ch; originel d’ob;issance. Je les vois qui en sortent de toutes parts.
83. — Et qui se rach;tent enfin eux-m;mes, ; cause de la fureur de comprendre.
84. — Et les voil; qui reprennent eux-m;mes, ; main forte, le fruit de la connaissance du bien et du mal, qui divinise.
85. — Et loin duquel ils avaient ;t; expuls;s par des glaives de cauchemar
86. — Et par la voix qui disait : je suis le propri;taire du ciel;!
87. — Et ils ne s’approcheront pas seulement de l’arbre de la connaissance du bien et du mal.
88. — Mais aussi de l’arbre de vie autour de qui il est ;crit que le Seigneur fit faire bonne garde.
89. — Car, disait-il, la vie des hommes, ce serait notre mort, ; nous les dieux.
90. — Alors : Debout, notre mort divin;! Dieu de mes entrailles;!
91. — On te croyait vivant mais tu ;tais mort.
92. — Et c’est ainsi que j’interpelle l’immense cadavre du Dieu-monde, et que je le dresse de toute ma force.
93. — Et que je le fais changer de place.
94. — Et moi, votre pareil ; tous, traqu; et repouss;, et qui mourrai, je vous apporte ce qu’il y a de plus divin.
95. — La puret; du r;gne de l’esprit.
96. — L’esprit c’est l’immacul;e conception.
97. — JE SUIS CELUI QUI SUIS.
98. — Je suis son Verbe et son Esprit.
99. — Et je suis un faux dieu.
CHAPITRE XXIII
1. — Je rencontrai Jean Z;b;d;e qui venait au-devant de moi, et je lui dis : Tu me cherchais;?
2. — Il me r;pondit : Je me cherchais moi-m;me.
3. — Il m;ditait pench; dans une grande pr;occupation, et ses deux mains appuy;es devant lui sur son b;ton debout.
4. — Il m’ouvrit cette pr;occupation et me dit : Cet esprit, d’o; vient-il;?
5. — Cette grande voix qui vient dans des r;ves, d’o; vient-elle;?
6. — Il se r;pondit ; lui-m;me : Croire, c’est donc croire avant de croire;?
7. — Mais il reprit : Cet esprit, d’o; vient-il;?
8. — Jean, ;coute le vent qui souffle. Il r;gne, mais on ne sait pas d’o; il vient.
9. — Cet esprit, c’est le miracle de nous;; l’esprit et la vie, c’est le m;me miracle de nous;; c’est la force qu’on a de saisir la v;rit;, et d’asseoir d’aplomb la forme des id;es sur la forme des choses, et de tracer aussi, avec l’art de justice, la communaut; des hommes, et d’aimer ; force seulement de comprendre;; (la vie, c’est faire la v;rit;);; il est en nous. Demande seulement o; il va.
10. — Jean redit : D’o; vient-il;?
11. — Et il attendait. Il attendait que je disse : Il vient du Dieu de nos p;res.
12. — Et ayant attendu (et il avait un manteau sombre), il dit : R;ponds, si tu as de quoi parler. Tu as tout dit;?
13. — Mon c;ur donna son beau cri :
14. — Oui.
15. — Apr;s, Jean fit un effort de tout son ;tre, pour rompre le silence, et dit : Pourquoi leur parles-tu du Dieu de nos p;res;?
16. — Parce que je parle par paraboles et similitudes.
17. — Pourquoi parles-tu par paraboles;?
18. — Parce qu’il nous est donn; de savoir la v;rit;, mais cela ne leur est pas donn;.
19. — Beaucoup ont des yeux pour ne point voir, des oreilles pour ne pas entendre, un c;ur pour ne pas comprendre.
20. — Jean baissa la t;te.
21. — Qui dit : Parle-moi encore.
22. — Oui. Le royaume des cieux est au dedans de nous, et celui qui se conna;t soi-m;me le trouve.
23. — Il tendit sa main tremblante vers les grandes distances, murmurant : Tu fais mourir la grandeur.
24. — Je la fais vivre toute. (Et ma voix tremblait comme une source.)
25. — Et je remets la pri;re dans le droit chemin.
26. — Jean me r;pondit : J’ai peur.
27. — Je dis : je ne suis pas un thaumaturge et n’ai pas invent; la v;rit;.
28. — Elle fut cach;e, mais elle fut, est et sera.
29. — Ce n’est pas moi qui te parle, c’est l’esprit divin qui est en moi (comme en tous ceux n;s ; la lumi;re), et dont je suis le veilleur.
30. — Et rien n’emp;chera que chaque matin vienne m;tamorphoser chaque nuit au cours des si;cles ci-apr;s, et chaque printemps ressusciter.
31. — Et rien n’emp;chera que l’image juste de tout, ne s’accomplisse ; vif dans les hommes.
32. — Car rien ne restera cach; et tout sera proclam;.
33. — Et ce jour-l;, on aura le remords d’avoir ;t; l;ches devant le savoir.
34. — Et le remords d’avoir ob;i.
35. — Et ceux qui verront dans la lumi;re agiront dans la lumi;re.
36. — Mais apr;s ces jours o; cela fut dit, je vis bien que les hommes, et m;me les meilleurs, ne sont pas capables de comprendre les g;antes formes humaines de la chose divine, ni tout ce qu’on dit quand on dit : que l’int;rieur et l’ext;rieur soient un.
37. — Car le besoin de croire c’est le besoin de poss;der, ; savoir : de prendre ce qui n’est pas ; nous.
38. — Et ils veulent voler l’impossible.
39. — Et ils ne seraient capables que de dire dans leur ;me mis;rable qui tourne en rond : si on nous ;te le joug de Dieu, par quoi le remplacera-t-on;?
40. — J’ai beaucoup de choses ; vous dire qui sont encore perdues, car la parole vraie, vous ne pouvez pas la porter encore.
41. — Je leur dis seulement : l’esprit et la v;rit; c’est la m;me chose, et nous sommes de la race de Dieu.
42. — Car le Psaume a avou; l’aveu : j’ai dit que vous ;tes des dieux.
43. — Et chacun est son propre Christ.
44. — Je leur donnai cela seulement qui n’est que la premi;re pierre, car le jour viendra qui n’est pas venu, o; l’on saura que celui qui s’est vu, a vu Dieu.
45. — Commen;ons l’;uvre de ce jour-l; par le commencement.
46. — Par le bas, par les pauvres c;urs, sources des pauvres hommes,
47. — Les grands aveugles qui ont des yeux.
48. — Et des mains.
49. — On est fait pour d;faire ce qui est injuste.
50. — Beaucoup me ha;ssaient. Jekhiel surtout, ayant ;t; mon ami, me ha;ssait, et souvent, je trouvais dans mes ennemis la main ou la face de sa haine.
51. — Je savais que plusieurs disaient de moi : Il faut le faire mourir.
CHAPITRE XXIV
1. — J’allais pr;chant l’;vangile de l’esprit et des pauvres.
2. — Et constituant une communaut; selon l’esprit et selon les ;uvres, avec Jean, avec Simon Pierre, et Andr;, et les autres.
3. — Car il faut commencer par quelque chose de proche, et poser les premiers hommes par terre, comme des premi;res pierres et comme des graines, et faire d’abord une foule enfant. Commen;ons par devenir petits, pour devenir grands.
4. — Et aussi avec plusieurs femmes.
5. — Les femmes ont ;t; abaiss;es par les hommes.
6. — L’esclavage des femmes a souill; m;me la d;faite des pauvres.
7. — Parce que Dieu a dit ; Eve : Tes d;sirs se rapporteront ; ton mari et il te dominera.
8. — Mais l’heure est venue o; chacun doit ;tre chacun.
9. — Et dans la soci;t; nouvelle dont nous ;tions la semence cramponn;e en un coin du monde
10. — La femme ;tait l’;gale de l’homme.
11. — Et l’;glise n’;tait pas une secte, mais nous.
12. — Et Judas Iscariote tenait la bourse, remplie par ceux des n;tres qui avaient ;t; ; leur aise dans le monde.
13. — Car on est oblig; de vivre par le moyen de l’argent, puisque c’est la loi du monde de la fiction, de la guerre et du mensonge
14. — Dans lequel nous faisons une tache blanche.
15. — Avec ces biens injustes achetons-nous une vie juste.
16. — Mais je n’avais plus de maison,
17. — Pas m;me une pierre dont je puisse dire : je suis s;r d’y reposer ma t;te.
18. — Celui qui est seul, comment aura-t-il chaud;?
19. — Je revins une fois au village dont j’;tais sorti.
20. — Je retournai dans mon lieu.
21. — Les autres villes, quoique plus vastes, sont plus l;g;res.
22. — Je retrouvai grandement les petites choses d’autrefois.
23. — Et la fontaine, et les ;coliers en rond sur la place r;p;tant le bruit des mots, et ma maison habit;e et remplac;e par d’autres gens, et ma chambre que, nagu;re, apr;s cette Priscilla, je retrouvai un soir aussi seule que moi, et la petite fen;tre d’o; l’;tendue prenait sa source, et la cr;che o; je suis n; — et je ne comprenais plus ce que j’avais ;t;.
24. — Moi qui n’ai plus rien que les rues d’un village,
25. — Moi qui ne connais plus ceci : ;tre du bon c;t; d’une porte.
26. — Qu’ai-je fait de ma jeunesse et de ma force;?
27. — Qu’ai-je dit avec ma voix qui s’;teindra;?
28. — Qu’ai-je ajout; ; la r;alit;, qui vaille, et qui serve aux hommes, durant tous les jours de mon combat;?
29. — Quelque chose au milieu, mais pas assez.
30. — Je n’ai presque rien fait, et j’ai peur du soir.
31. — Moi qui suis effray; de toutes mes douleurs,
32. — Je m’accuse de tout ce que je n’ai pas dit.
33. — Heureux ceux qui laissent un grand nom semblable ; un berger dans la brume;!
34. — L’ap;tre qui sera vainqueur un jour sera pourtant pareil ; tous ceux qui ont ;t; vaincus.
35. — Mais ce ne sera pas moi.
36. — Et, m;me quand j’aurai disparu, ne serai-je pas tout seul;?
37. — Et je m’assis sur une pierre, celle o; je m’;tais assis quand l’amour et la mort m’avaient parl; distinctement, jadis. Je voyais le grand figuier qui fait une t;te au village et, au dessus, la place des ;toiles.
38. — Si je vivais la douce vie qui est donn;e un peu ; chaque vivant,
39. — Puisque c’est la seule chose qui lui est donn;e;?
40. — Voici : rester ici. Avoir une maison, en s’arrangeant r;guli;rement par le travail.
41. — Voisiner toujours avec le grand figuier de la place et le figuier ordinaire devant la porte.
42. — Et tout ce que j’avais retrouv; sans le retrouver.
43. — Moi aussi, une femme qui serait aussi un ami,
44. — Et nos corps, facilement lass;s, appuy;s rien que l’un sur l’autre.
45. — Et moi aussi, des enfants.
46. — Un, deux, ou trois.
47. — Au lieu de crier dans les d;serts des villes qui crient plus fort que nous, et sont pires que les d;serts.
48. — Et de repousser le refus des hommes.
49. — Ainsi je pensais tant qu’il fit jour.
50. — Mais quand ce fut la vo;te du soir, Je retrouvai au fond de mon enfance la puret; qui y ;tait.
51. — Je rassemblai la simplicit;, qu’on a comme un tr;sor.
52. — Montre ton cri. Va-t’en toujours, et essaye d’aller le plus possible partout.
53. — Et d’;tre l’homme des hommes.
54. — Le matin, on m’entoura et on me dit : Gu;ris ce malade que voici gisant.
55. — Et celui-ci, qui est aveugle comme la main.
56. — Mais on me disait cela avec rancune et d’une bouche am;re, et dans ce village personne ne croyait en moi.
57. — Car ils me connaissaient trop, et connaissaient ma m;re, mes fr;res, et avaient connu mon p;re.
58. — Et r;p;taient : C’est J;sus, le menuisier, et puis apr;s;?
59. — Et ils se fermaient d’incr;dulit;.
60. — Et je ne pus donner ; ce malade la sinc;rit; corporelle,
61. — Et il resta dans sa maladie.
62. — Mais le chien qui ;tait petit quand j’;tais parti ailleurs, je le retrouvai, et il ;tait vieux, et il ouvrait ; peine ses yeux bless;s d’;ge. Mais si peu qu’il les ouvr;t, il me reconnut et fut heureux tout entier. Lui, de son premier ; son dernier jour, il aura th;sauris; de l’amour pour moi. Moi je ne l’aime presque plus, et sa mort en moi est plus triste que celle qui est en lui.
63. — Et quand bient;t ce chien mourra,
64. — Sa mort sera aussi grande que la vie.
65. — Mais y n’y aura qu’un tout petit deuil, dont j’ai piti;.
66. — Marie-Madeleine.
67. — Elle me contemplait. Elle s’approcha, les mains tremblantes. Je lui dis : Ne me touche pas. Elle s’arr;ta devant moi et ses bras tomb;rent le long d’elle.
68. — Je fus pris de curiosit;, et je lui dis : Marie, Marie, nagu;re, tous ceux qui ;taient avec moi couraient apr;s toi, et tu ne t’es pas refus;e.
69. — Mais ; moi seul, tu t’es refus;e.
70. — Elle dit : C’est parce que je t’aimais.
71. — Sa voix d’enfant dit ensuite : Mais maintenant, c’est pour moi le soir.
72. — Je voudrais gu;rir un peu, pas tout ; fait, la faiblesse de mon c;ur.
73. — Et puisque c’est l’ombre, m’en aller dans un d;sert plein de soleil.
74. — Elle ;tait v;tue de blanc et le soleil mettait par-dessus ce blanc une blancheur d’ange.
75. — Elle devint comme quelqu’un qui fait une pr;diction :
76. — Tu consoleras les malheureux.
77. — Mais je ne sais pas comment tu feras.
78. — Tu seras puni d’;tre en avant des autres.
79. — Tu seras frapp; par tes ennemis, et reni; par tes amis.
80. — Tu n’auras que toi pour te secourir.
81. — Et que moi, pauvre et isol;e, qui te secourrai sans te secourir.
82. — Elle dit encore :
83. — Tu ne peux pas savoir le charme que tu auras ;t; pour nous. Toi seul l’ignores. Quand je te dis : toi, tu ne sais pas ce que je dis.
CHAPITRE XXV
1. — Ce fut en ces temps-l;, qu’une nuit, tout d’un coup, nous grand;mes.
2. — Car les cieux s’ouvrirent.
3. — Et ils furent ouverts devant nous comme la mer Rouge.
4. — Car les astres d;chiraient le ciel, chaque astre dans son trou, et notre ;me monta vers toutes ces choses de lumi;re par nos yeux lev;s. Et nous sent;mes l’infini devenir une f;te ; partir de nous.
5. — Qui ;tions profonds comme la terre.
6. — C’est beau. On voit qu’il n’y a rien.
7. — Cette parole que je fis sortir de notre groupe sombre aux taches bleues, fit de chacun de nous le jardin des ;toiles.
8. — Car elles n’;taient que le bout de nos regards.
9. — Et elles ;taient, par nous, enracin;es dans le songe.
10. — L’un dit : On va jusqu’au ciel.
11. — Et moi j’osai dire en parlant du monde :
12. — Ceci est notre chair et notre sang.
13. — Puisque, allant jusqu’au ciel, on ne peut pas sortir de soi-m;me et du corps de son regard.
14. — Voici donc la beaut; de la justice.
15. — Le pauvre Judas, le petit calculateur, s’en alla de l; courb; comme s’il cachait dans son manteau le tr;sor resplendissant des nuits, et un homme, le rencontrant ainsi illumin; et troubl; apr;s m’avoir quitt;, lui demanda :
16. — Qu’est-ce qu’il a donc dit;?
17. — Et le pauvre Judas r;pondit ;merveill; :
18. — Il a dit qu’il ;tait le Dieu nouveau.
CHAPITRE XXVI
1. — Et moi, je ne savais pas comment je ferais.
CHAPITRE XXVII
1. — Il y avait, plant;s sur le rond noir de ce tertre, socle des nuages, des arbres maigres comme ceux que l’hiver d;chire avec ses dents.
2. — Et qui ;taient des croix o; ;taient attach;s des haillons de corps.
3. — Au pied du charnier de supplice, il y avait, ;tendu par terre, son grand corps de vaincu.
4. — Et autour de lui, ils se lamentaient, farouches, avec des ;clairs sur leurs figures,
5. — Ja;rus, El;azar, Jacob, Simon mon disciple, Juda bar Abbas, descendus des montagnes et des for;ts de la Galil;e d’au del; du Jourdain et des bords du Jourdain. Ils avaient ;t; enseign;s par Simon mon disciple, parti un soir pour enseigner.
6. — Car il y a dans le monde trois sectes : les Pharisiens, les Saduc;ens, les Ess;niens. Ceux-l; sont autres : les Z;lotes, dont la figure a des ;clairs, les fils du tonnerre,
7. — Car leur nom est Boanergu;s.
8. — L’un parla et raconta l’affaire.
9. — Il raconta : On est parti en armes avec lui qui est Juda bar Juda (tu sais, celui dont l’archange Gabriel avait annonc; ; sa m;re Salom; qu’il monterait sur le tr;ne de David, celui qu’H;rode a voulu faire tuer alors, en massacrant tous les petits enfants). On s’est heurt; ; une l;gion romaine. On n’;tait pas de force, n’est-ce pas. Il en descendit trois, de ces Philistins, en une seule occasion, comme le faisaient Benaja, Hasa;l, Ethanan fils de Dodo, de Bethl;em, et comme les autres serviteurs de David, oint du Seigneur. Mais il fut descendu ; son tour. Moi, j’ai pu fuir, et revenir la nuit, dans le plein noir, la main noy;e en avant, et le pied encombr; et peureux, pour chercher son corps qu’ils avaient laiss; par terre.
10. — La devineresse avait dit : Ils le tueront.
11. — Ce fut donc hier soir. Le voici. Il ne voulait pas qu’on pay;t l’imp;t romain. Il ne buvait ni vin, ni boisson enivrante. Il ne se faisait jamais oindre par les hommes et s’abstenait de bains. Il ;tait pieux, et la peau de ses genoux ;tait devenue dure, ; force de g;nuflexions, comme l’ont les chameaux.
12. — C’;tait un saint et pourtant, c’;tait aussi un Z;lote.
13. — Il ;tait complet.
14. — C’;tait le saint de Dieu.
15. — Puisque, quand il est n;, il a ;t; l’objet d’une annonciation sp;ciale, comme Samson, Samuel, et Jean Zacharie
16. — Dont la voix s’envole dans le sens de nos ;uvres, comme la nu;e qui est l’enseigne pr;cipit;e de l’ouragan.
17. — Juda est un jeune lion, a dit Jacob dans la Thora. Quand il se couche, ses yeux mi-clos et la griffe pendante sur les rochers, qui le fera lever;?
18. — Puis, contemplant le sol o; s’;tendait le Non Lav;, les r;volt;s dirent :
19. — Cependant il ne restera pas couch; et mort. C’est l’archange qui aura raison. Son cadavre se rel;vera sur ses pieds.
20. — Il s’est endormi violemment, comme Ez;chias ex;cut; par le procurateur H;rode pour complaire ; Jules C;sar, comme Juda de Gamala, ;gorg; entre le Temple et l’autel, et comme Zacharie qui fut tu; l; aussi. Comme ces assi;g;s qui ;taient cinq mille et dont le Romain a trouv; les cinq mille corps enlac;s et tu;s de leurs propres mains;; comme ceux qui, devant l’avanc;e des l;gions, pr;cipit;rent leurs femmes et leurs enfants du haut de la montagne, puis se pr;cipit;rent eux-m;mes. Maudits ceux qui pactisent avec le Romain;!
21. — Un Juif, levant ses bras en l’air comme un palmier, dit : les mauvais Juifs sont les vrais ennemis des vrais Juifs.
22. — Un vieillard cria de tout son corps : J;rusalem, J;rusalem, toi qui tues tes proph;tes, et lapides ceux qui te sont envoy;s, que tout le sang innocent qui a ;t; r;pandu sur la terre retombe sur toi, depuis celui d’Abel jusqu’; celui de Zacharie que vous avez tu; entre le Temple et l’autel.
23. — Une Juive aux yeux incendi;s chanta avec sa voix : Qu’est devenu mon fils, qui avait grandi entre mes genoux;? Je ne sais pas. Des vents d’orage et des temp;tes sont survenus, et me l’ont enlev; des mains. Tant mieux. Marie de Beth;zor, fille d’El;azar, dit-elle, a donn; aux soldats juifs affam;s son enfant ; manger.
24. — Et leurs yeux, ; tous, grossissaient dans le soir.
25. — Donc, on reverra celui-ci se tenir debout, h;sitant et enivr; encore de la mort, ayant d’abord les bras ;tendus, comme un crucifi; sans croix, d;muni de son appui terrible.
26. — Comme Juda de Gamala et Sadok qui ont ressuscit;;; et le feu leur sortait de la bouche, et ils avaient le pouvoir, ; ce que dit le peuple, de fermer le ciel pour qu’il ne pleuve pas. C’est l; ce qui arriva ; ces deux oints d’huile, ; ces deux t;moins, que les Grecs appellent : martyrs.
27. — Et on verra aussi son poids monter au ciel et en plein soleil du jour, on verra une s;paration se faire, par terre, entre son ombre et ses talons.
28. — Tu vois ceux qui sont ;tendus et morts, et ceux qui sont debout autour. Eh bien, ce sont les m;mes dans la v;rit;. On ne peut plus savoir ceux qui sont debout et ceux qui ne le sont pas, de sorte que tu ne peux pas nous compter.
29. — Et avec les deux creux sans yeux de sa figure, le guerrier horizontal regardait attentivement ce que disaient les survivants.
30. — Ainsi parlaient-ils dans le d;sert o; le vent de la nature dissipait un peu l’odeur des H;rodes.
31. — Pour dire : la foule est l;che, et tous ses souvenirs s’enfuient. Mais nous, les Saints, nous faisons sortir de terre le courage d’Isra;l.
32. — Et sa foi.
33. — Car Isra;l est le peuple ;lu. L’univers fut donn; aux Juifs par Dieu qui leur parla du fa;te du Sina; ; l’aide d’un porte-voix. La race de David est non moins ;lue pour les commander, r;gner sur la Jud;e et sur toute la partie non marine du monde, en accomplissant le pacte d’alliance remis ; Mo;se, les Tables du T;moignage grav;es par Dieu avec son propre doigt (non pas une fois mais deux fois), et apporter la victoire des vaincus.
34. — Nous, Z;lotes, Kana;tes, Nazar;ens, h;ritiers de la Promesse.
35. — Apporterons pour les derniers mille ans du monde qui vont justement commencer, la r;ussite des Juifs contre l’usurpateur de Rome, le monstre ; sept t;tes, contre C;sar, Ponce Pilate, et Antipas le dragon roux, qui a la face et le poil roux d’Esa; l’Edomite, et qui a les dix cornes de la D;capole.
36. — Et pa;trons les nations avec une verge de fer.
37. — Mettrons Isra;l au-dessus des aigles romaines. Voil; comme nous comprenons et vivons les Choses Ecrites.
38. — Et irons, en effet, arracher les aigles, comme Juda ben Zippori et Matthias ben Margaloth trait;rent l’aigle d’or fin qu’H;rode, de la semence maudite d’Idum;e, avait fait poser sur le Temple. Et ils l’arrach;rent devant la face d’H;rode le Grand. Qui vous a dit de le faire;? Ils lui ont r;pondu : Notre Sainte Thora;!
39. — Car les agissants sont les vrais docteurs de la Thora.
40. — Et, par terre, celui qui avait, couch; de tout son long, la taille d’un archange, et dont les orbites nous regardaient avec la nuit, avait aussi la bouche ouverte, et faisait : oui.
41. — Il est mort et pour le moment, il reste mort, dit Juda bar Abbas, qui se tourna vers moi :
42. — Veux-tu ;tre le roi des Juifs;?
43. — Car, notre pouss;e, tu y es pour quelque chose.
44. — Car tu as nettoy; des l;preux et allum; des aveugles, et m;me, gu;ri des ob;issants.
45. — Car je suis parti un soir plein de toi, te le rappelles-tu, pour enseigner ceux-ci.
46. — Car nous avons entendu que tu es nomm; le Nazar;en, que tu as cri; contre les riches et vers le royaume de Dieu, et parl; pour la justice, la piti;, et la foi.
47. — Or la justice, c’est le r;tablissement de la dynastie de David, la piti;, c’est celle de la condition des Juifs, la foi, c’est celle de leur Revanche.
48. — Qu’as-tu ; r;pondre ; cela;? Tais-toi;! Car tu n’as rien ; r;pondre.
49. — Je te dis que nous sommes les vrais et les seuls accomplisseurs de la Loi, de la lutte finale pour le royaume de Dieu et pour la vie ;ternelle, qui est la gloire immortelle du conqu;rant juif.
50. — Car le nom du Sauveur sera entour; et acclam; sans arr;t par la foule de la post;rit; d’Isra;l.
51. — Et il n’est pas d’autre ;ternit;, car le ciel ne se refl;te pas dans le sang des s;pulcres, et les vers ne vomiront pas les hommes qui pass;rent et s’enfonc;rent.
52. — Le vrai Candidat attend aux portes, mais il ;uvrera comme le s;raphin que les Juifs appellent Abbaddon et que les Grecs appellent Apolyon.
53. — S’il le faut, il marchera sur la mer comme le soleil, et il multipliera les pains pour nourrir son arm;e avec rien.
54. — Alors, tu serais celui-l;.
55. — Je t’en prie, sois la peste messianique.
56. — Change l’eau en sang, et sache faire des plaies ; la terre des champs.
57. — Dusses-tu tuer les riches pour t’enrichir, et porter la torche jusque dans le Temple.
58. — Dusses-tu faire ench;rir le pain, et que le ch;nix de froment co;te un denier, et que ce soit la famine.
59. — Car c’est l; une bonne condition r;volutionnaire.
60. — Que par toi le Verbe du Seigneur roule sur les villes comme un rouleau.
61. — Apporte non la paix, mais l’;p;e, ; travers le ventre des H;rodes et des Romains qui veulent qu’on paye l’imp;t, et des Dociles du Temple qui ne veulent que la tranquillit; honteuse.
62. — Et qui tous, ont chang; la Jud;e et la Samarie et la Palestine en une nouvelle Egypte.
63. — Sache rendre ; C;sar ce qui est ; C;sar, ; Dieu ce qui est ; Dieu.
64. — Comme on a dit ; propos du denier du tribut.
65. — Car ce denier est un alliage d’argent et d’airain.
66. — Et l’argent, qui caresse, est pour Dieu, et l’airain, qui frappe, pour C;sar.
67. — Sois le lion de la colline de sable, qui, ouvrant la bouche, parle le tonnerre.
68. — On est fait, disent-ils, pour faire ce qui est juste, et pour d;faire ce qui est injuste.
69. — Car il appert que tu as dit un jour dans une synagogue (je t’ai ou; arec cette oreille-l;) : Le Royaume est pr;sentement aux violents.
70. — Donc il sera aux plus violents.
71. — Et n’est pas d’autre voie que celle-ci pour faire sortir Isra;l de l’exil o; il tourne sur la terre de ses p;res.
72. — Sois le Mo;se de Mo;se.
73. — C’est ainsi qu’ils me disent en partie ce que je m’;tais dit, et ces paroles me frappent comme des coups admirables.
74. — Ces Juifs disent, se haussant l’un sur l’autre autour de moi, dans l’air du soir, et leurs mains faisant toutes sortes de grimaces :
75. — Veux-tu ;tre le roi des Juifs;?
76. — Leur question ;tait pleine de chair et de sang, et me pressait avec sa poitrine.
77. — Je r;pondis : Votre r;volte n’est pas assez grande.
78. — Je ne crois pas ; votre cause, car vous n’;tes qu’une gerbe de poings, et vous ne savez pas ce que c’est que la puissance romaine pour la heurter de front, et vous courez vous tuer l’un apr;s l’autre sur elle, et ;craser sur elle l’esp;rance d’Isra;l, qui, pourtant, est plus large qu’elle. Et il ne faut pas tenter la tranquillit; de l’impossible.
79. — Et de plus, votre r;ve est ;gar;, ;tant la revanche, non la justice, ;tant le r;ve d’un peuple, non celui du peuple.
80. — Car m;me si David revenait sous forme de David, enl;verait-il aux hommes leur malheur;? Il n’apporterait que la mauvaise guerre, celle qui engendre la guerre, soit par la d;faite, soit par la victoire.
81. — C’est-il, demandent-ils, que tu serais avec les ergoteurs pharisiens, les prostitu;s saduc;ens, les Ess;niens enferm;s et b;lants, ou les l;ches docteurs qui cherchent dans les grimoires des raisons d’aimer les Romains;?
82. — Que non pas, mais il faut un g;ant pour recommencer la tour de Babel et regagner le paradis perdu.
83. — Ce n’est pas vous, ce g;ant. O; est-il;?
84. — Ils r;pondent ensemble : Sois-le. Et ils me pressent : Il faut te d;cider, et te jeter dans l’action du haut de cette montagne, du haut de laquelle on voit les royaumes.
85. — Et c’;tait une Tentation.
86. — Mais elle n’avait pas la dimension du r;el.
87. — Je me jetterais dans leur ab;me, ; tous les hommes, mais non dans votre puits.
88. — Ils r;torquent : Notre mission est impossible, que tu dis. On la tentera quand m;me. Car c’est en tentant l’impossible qu’on accomplit tout le possible.
89. — Je dis : Cette parole n’est grande que si l’on est sur le droit chemin.
90. — Je ne parle pas en mon nom, mais au nom de tous mes semblables.
91. — Vos querelles de rois, je ne les connais plus.
92. — Les hommes n’ont pas la couleur d’un pays sur la peau, moi qui les vois dans leur grand cr;puscule sombre de d;solation, et de poussi;re.
93. — Et je tra;ne l’image d;chir;e d’une patrie dont les bords sont les horizons du monde, et qui n’existe pas encore, et qui existe.
94. — Et je ne crois pas que l’ouragan soit juif.
95. — J’acceptai d’;tre vaincu dans l’esprit de ceux-ci, et Simon bar Juda me regardait avec haine.
96. — Il me dit encore, comme un coup de marteau : Ils ne te comprendront pas, et ils auront raison.
97. — Un soir des temps, sur la route o; les marcheurs font derri;re eux et devant eux, un d;sert,
98. — Celui-l; ;tait parti plein de moi.
99. — Du moins je le croyais, et il le croyait aussi.
100. — Mais en v;rit;, il n’;tait pas all; jusqu’; ma parole.
101. — Et avec les autres, il me chassa en disant : Tu n’es rien. Va-t’en pr;cher.
CHAPITRE XXVIII
1. — Sur le chemin de Damas, un jour, je rencontrai un homme, lequel me dit : Je suis Paul, ton disciple. Et j’ai parcouru le monde, moi qui suis parti un soir, charg; de ta parole, avec Simon, qui t’a trahi.
2. — Car les Z;lotes sont des brigands.
3. — Ils volent et tuent pour r;gner, et ils ne r;gneront pas, et ils appelleront les pers;cutions et les captivit;s.
4. — Il me dit ensuite : Pourtant, les ;ges sont venus o; la grande ;uvre des Grecs et des Romains chancelle sur sa base.
5. — Car ce n’;tait qu’un semblant d’ordre, qui cache et l;galise sur le dessus le d;sordre des choses et la souffrance des hommes.
6. — Mais un souffle, qui ressemble beaucoup au souffle juif, va pousser tous les hommes, comme un seul homme, contre cette fabrication grecque.
7. — Et ce souffle, c’est la vie.
8. — Et que peut la surface du monde contre la profondeur du monde;?
9. — Sache qu’il y a une nouvelle forme, que nous pr;parons, de la religion de nos p;res.
10. — Et je te le dis, tu y es pour quelque chose.
11. — Je dis : Comment est-elle nouvelle;?
12. — Par l’av;nement du Messie.
13. — Mais le Messie n’est pas venu.
14. — Et lui : S’il n’;tait pas venu, Isra;l se lasserait d’attendre et serait perdu, ou bien alors n’importe qui pourrait dire : Je suis le Messie, et ce serait aussi des trappes de perdition.
15. — Et puis, l’acte du Messie, c’est justement la substance de cette seconde loi qui nous a ;t; r;v;l;e.
16. — Le Messie est venu, encore qu’il reviendra d;finitivement.
17. — Et voici ce que nous apercevons sur les cimes, nous les nouveaux :
18. — Le monde a ;t; perdu et vou; ; la mort par le p;ch; d’un seul : le premier Adam, mais voil; qu’il est sauv; et vou; ; la vie ; partir de ces temps-ci par le sang d’un seul : le dernier Adam, envoy; expr;s par Dieu.
19. — Or le premier Adam ;tait l’homme ext;rieur, de chair, et le dernier Adam est l’homme int;rieur, d’esprit.
20. — Et l’esprit est pr;sentement tomb; sur nous, les nouveaux, par le canal de la gr;ce, pour que nous annoncions cet ;vangile aux hommes, et, s;parant en deux la destin;e de leur corps et celle de leur ;me, les ;blouissions par la vie future et par la gu;rison de la mort, et disions que cet ;vangile abroge la loi du Temple, et que la foi en ceci remplace tout, m;me les observances, et m;me les ;uvres.
21. — Et voici d;sormais la prison magnifique du Messie.
22. — Car nous avons connu que toi, et d’autres comme toi, avez parl; pour l’esprit et pour l’homme int;rieur, et pour la justice et la vie, et pour les seuls pauvres, contre les pratiques, contre les riches, et les lois cadav;riques, et que le peuple a entendu cela et vous aima partout o; vous ;tes pass;s, et que vous avez saisi le c;ur du monde.
23. — (Et ainsi tu me tiras de moi-m;me et tu fus la cause, et la vie, ayant pouss; le cri de la terre).
24. — Et que d’autre part, tout cela peut ;tre d;duit des promesses qui sont dans les Ecritures.
25. — C’est pourquoi tu seras avec nous, puisque le peuple t’aime, et a besoin de crier avec toi, et l’Eglise doit ;tre pos;e ; m;me le peuple, ; vif.
26. — Mais moi : Vous avez mis de la sorte tout un appareil sur ce que j’ai dit.
27. — Et je n’en veux pas.
28. — Quand je dis l’esprit, c’est l’esprit, et non pas un objet de culte qui voltige par-dessus le front des hommes;; et la justice dans ma bouche c’est la justice et elle est pleine des choses, et ma vie n’est pas le r;ve des morts, et je ne suis pas venu pour chasser la vie de la vie, et je ne suis pas venu pour faire saigner les tombeaux, et il n’y a pas de magie.
29. — C’est au contraire l’enl;vement des dogmes et des rituels, la nudit; du vrai, et le devoir jailli du c;ur comme du rocher, et le commencement par nous, que j’ai dits, et l’;vangile de restitution que j’ai pr;ch;, ;tant celui qui n’a pas de religion, et c’est l; ma seule valeur, ; moi qui aurai pass; ici-bas.
30. — Il y a du nouveau, dit-il plus fort pour me r;pondre mieux. Nous avons mis la mort sous les pieds de Dieu, selon les psaumes. Nous avons r;veill; toute la mort des hommes;!
31. — Vous n’avez r;veill; que le spectre des dormeurs. Moi j’aurai ressuscit; les vivants.
32. — Il r;pondit alors : nous avons besoin de toi, pour la chair de notre jeune Bible, et pour mettre debout la loi.
33. — Il ;tait ch;tif et enflamm;, et semblait sortir de terre.
34. — Il ;tait plein d’exclamations et d’;clairs, de morceaux cass;s de J;r;mie, d’Ez;chiel, et des Psaumes. Il parlait par coups de feu, et il exhalait un grand g;nie.
35. — Et il me parla afin de mettre au dedans de moi les prodiges qu’il voulait faire.
36. — Donc, la gerbe nouvelle est pr;te, disait-il.
37. — Il faut maintenant l’accomplir pour les si;cles de si;cles.
38. — Il est temps de sceller d’un nom propre toutes les vieilles proph;ties.
39. — Il est temps de susciter le Dieu qui tuera l’avenir.
40. — Il faut qu’il soit en ressemblance d’homme puisque les proph;tes l’ont annonc; tel.
41. — Je dis : comment quelqu’un peut-il ;tre ; la fois un dieu et un homme;?
42. — Si c’est un Dieu qui prend la forme corporelle et fait semblant d’;tre un passant, ce n’est qu’une tromperie d’homme.
43. — Car il n’y a d’humain que l’homme.
44. — Il dit : En prenant notre nature, Dieu nous fait prendre la sienne.
45. — Je r;pondis : non.
46. — Il r;pondit : Il faut. Il faut mettre l’Homme quelque temps au-dessus des anges, selon les Psaumes.
47. — Il dit violemment : Il faut aussi qu’il soit la mansu;tude et la bont; (car nous faisons un alliage de la gr;ce et de la charit;, pour construire avec cette nouveaut; les hommes nouveaux, et d;vorer par elle la r;clamation juive, et le d;lire oriental, et la raison grecque).
48. — O; est-il, ce vivant tendre, ce c;ur du ciel;?
49. — Et l’idol;tre du Dogme, qui r;vait du grand tombeau neuf d’un temple par dessus l’autre, me consid;ra ;trangement, et me dit :
50. — Ce sera peut-;tre toi.
51. — Alors, je ris.
52. — Tu ne peux pas me prendre pour proie, car je n’ai rien de commun avec toi.
53. — Il ne m’entendit pas, comme ceux qui d;bordent de leur id;e, et il dit :
54. — On tra;nera tous les hommes dans l’ordre nouveau ; la suite du h;ros ensanglant;.
55. — Il faut qu’il soit fils de David, car cela est ;crit.
56. — Et il faut qu’il meure vite pour que la grande promesse messianique de l’avenir se retourne sur lui et qu’on b;tisse sur son corps.
57. — Il faut qu’il meure pour qu’il puisse ressusciter.
58. — Selon les Ecritures, et aussi selon le r;ve parsem; sur tous les pays de l’orbe romain au souffle des quatre vents de la distance.
59. — Car il y a, ; l’ouest, les Syriens et les Ph;niciens, et au nord les Grecs, et les Babyloniens ; l’est, et les Egyptiens au sud, et tous ces gens-l; se ressemblent en ce qu’ils croient ; un dieu mourant et ressuscitant dans leurs bras, et qu’ils aiment ce myst;re (encore qu’ils ne le voient que d’un ;il, ;tant borgnes).
60. — Et s’il n’y avait pas les pr;paratifs du monde entier, notre religion nouvelle ne serait qu’une ch;tive erreur.
61. — Il nous faut leur arracher leur bapt;me de sang, et leur communion de chair.
62. — Et leur r;surrection.
63. — Que les philosophes grecs aiment avec calme, car ils l’appellent l’immortalit; de l’;me.
64. — Et prendre tout cela ; notre compte de Juifs, en ayant fait un nouveau m;lange.
65. — Car comment d;truirai-je les machinations des idol;tres, si je ne les imite pas;?
66. — Je dis : Ce qu’on imite n’est pas d;truit.
67. — Et aussi : Les Juifs, si fort qu’ils convoitent le Messie, ne voudront jamais croire qu’il est venu.
68. — Il dit : Le cri juif et aussi le sang de son agneau, sont le levain dans le m;lange, mais si cette race bronche, on la mettra en dehors.
69. — Moi : C’est attenter ; l’homme que de le murer dans tous les hommes au nom d’un seul p;ch;. Et qui donc est-on pour se permettre de dire : personne, ici-bas, n’est innocent;! L’amour de Dieu nous rach;tera, dis-tu. Ce sont l; des amusements de princes.
70. — Et ce n’est pas apr;s l’injustice, ; savoir apr;s la vie, qu’il faut faire la justice. C’est au fils de l’homme que la justice doit ;tre bonne. Cela n’a-t-il point ;t; ;crit;? Au fils de l’homme, dis-je, non ; son ombre future.
71. — Et tu mets par des formules un double fond aux s;pultures.
72. — Tu assailles l’esprit par son trou, ; savoir la peur de la mort, et tu le lapides avec les pierres tombales;; encore que tu pr;tendes, avec ta bouche, remplacer la mort par le mot d’;ternit;;; et tu fais de Dieu le complice de ceux qui pers;cutent.
73. — Dieu a dit — , dit Paul.
74. — Ce Dieu;! dis-je, il a dit : vous mourrez;! C’est le Serpent qui a dit : vous ne mourrez nullement. Annoncer aux hommes qu’ils ne mourront point, c’est souffler aux damn;s d’ici-bas le conseil satanique de ne point vivre leur vie, et faire qu’ils perdent les pauvres jours qu’ils ont — sous l’enseigne d’un cadavre vivant.
75. — Mais, dit-il, un Dieu rachetant les hommes par ses souffrances, n’est-ce point merveilleusement beau;?
76. — Je dis : D;magogue;!
77. — Et puis, ajouta-t-il, si notre foi se met dans l’au-del;, les puissants du monde ne seront pas g;n;s, et nous laisseront tranquilles.
78. — Tu te trompes, dis-je, en pr;tendant coudre la v;rit; ; des lois fant;mes. Tu montreras seulement combien l’amour des hommes pour Dieu est un sentiment contre nature.
79. — La r;ponse fut : C’est pour cela que nous disons : C’est surnaturel.
80. — Il s’;cria et dit : Il est ;crit : J’abolirai la sagesse des sages et j’an;antirai la science des intelligents. Dieu n’a-t-il pas fait voir que la sagesse de ce monde n’;tait qu’une folie;? Et il lui a plu de sauver par la folie que nous pr;chons, ceux qui croiraient.
81. — Je dis : Sophiste;!
82. — De loin, il semblait un proph;te d’Isra;l, mais de pr;s, montait de sa robe l’odeur du calcul grec.
83. — C’est d;fendu, dis-je, de donner ; la justice une autorit; qui roulera en poussi;re lorsque l’homme ouvrira les yeux.
84. — Car il les ouvrira.
85. — Il reconna;tra que la grandeur de l’homme est de l’homme;; il reconna;tra aussi que la grandeur des hommes est des hommes.
86. — Et c’est ainsi que le destin de l’homme et celui des hommes seront pareils de ressemblance.
87. — Ton changement n’est pas un changement, et tu te donnes beaucoup de mal pour rien.
88. — Il me r;pondit : Tu ne sais pas ce que tu dis.
89. — Il faut une loi fixe, appuy;e sur des c;r;monies inexorables,
90. — Qui forgent l’homme.
91. — Et soient tenues par des dirigeants.
92. — Les myst;res int;rieurs ne se voient pas publiquement, et tout est l;.
93. — Il faut la force visible et l’accord avec les rois, pour faire marcher le monde.
94. — Et des clous pour fixer sur la terre l’appareil c;leste.
95. — Et il faut aussi une croix, venant des Psaumes, pour l’y clouer;!
96. — Il me dit, celui qui avait besoin de mon corps assassin; pour le prendre dans ses bras et le mettre au centre de sa mythologie :
97. — Veux-tu ;tre le roi des rois;?
98. — Je dis : Parmi mes disciples, on ne trouvera jamais un soldat des rois et de l’ordre ;tabli. Mais parmi mes disciples, on trouvera les soldats de la justice.
99. — Et Paul me dit ; moi, J;sus : Tu ne sais pas ce que tu dis. Moi qui suis ; la fois Juif, Grec et Romain, je suis plus fort que toi. Va-t’en pr;cher.
100. — Il ;tait de l’esp;ce des b;tisseurs.
101. — Qui r;ussit sur la terre.
102. — C’;tait un pharisien immense.
CHAPITRE XXIX
1. — Quand il fut parti, je voulus rester tout seul.
2. — J’allai dans le d;sert pour ;tre ; l’;cart. J’;tais agit; de pens;es et sous le joug d’une fatigue surhumaine.
3. — A cause de ces r;volt;s et ; cause de ce docteur.
4. — Car ce Paul lui aussi, comme Simon le Z;lote, ;tait parti plein de moi dans le monde. Mais lui non plus ne m’avait pas compris.
5. — De sorte qu’en semant la v;rit;, j’avais sem; des deux c;t;s le mensonge.
6. — N’y a-t-il, pour l’accomplissement de la justice, que ces deux voies-l;;?
7. — Et le royaume des cieux, n’est-ce que J;rusalem grande comme un tr;ne, ou n’est-ce que le dedans des n;cropoles;?
8. — Et lorsque le soir tomba, il me sembla voir tout d’un coup vers l’horizon de sable et de pierres, une ville se former ; mes yeux, de palais, de jardins et d’arbres, et de colonnes avec, ; leurs pieds, leur reflet dans des lacs, et au-dessus, une grande splendeur divine.
9. — Je sus que c’;tait l; l’illusion des voyageurs du d;sert, et que cette cit; et cette splendeur n’;taient pas en r;alit;, mais n’;taient que dans mes yeux.
10. — Et que je les cr;ais toutes en ouvrant les paupi;res, et que je les d;truisais toutes en les fermant.
11. — Et que c’est la preuve du pouvoir qu’on a, et que c’est cela qu’on fait toujours.
12. — Car il faut un regard pour d;ployer L’horizon et pour verser l’espace;; il faut quelque part, pour que le monde vive, une respiration.
13. — Car c’est lui, je dis : l’homme, qui ;tend le bleu l;-haut et dont l’esprit marche sur les hauteurs de la mer.
14. — Et qui transporte les montagnes l; o; elles sont, quand il regarde.
15. — Dont l’;il englobe le firmament avec l’Ourse, l’Orion et les Pl;iades, qu’il r;chauffe.
16. — Et qui parle le ciel et la terre.
17. — Et au c;ur duquel la justice est le torrent oblique qui rugit vers le calme niveau.
18. — Moi, je le sais.
19. — Mais vous autres, vous n’;tes que les ma;ons d’un mirage.
20. — Comme le soir s’amoncelait, et qu’on ne voyait plus que le ciel, je me retirai pour dormir, dans une grotte o; beaucoup d’hommes saints s’;taient retir;s avant moi.
21. — Et je m’endormis dans un grand trouble ; cause de ce que m’avait dit le renouveleur de religion.
22. — Et je pensais ; une lumi;re surhumaine, et je vis cette lumi;re faire des ;tages dans le ciel.
23. — J’;tais encore assez ;veill; pour dire : Je vois Dieu en r;ve.
24. — Comme tous les hommes.
25. — Mais moi, je le sais.
26. — Les t;n;bres s’;taient refaites, et dans ces t;n;bres se fa;onna un archange.
27. — C’;tait une tr;s haute transparence d’;tre vivant sur du lumineux, avec des plans ;blouis, semblable ; un palais-homme, amass; dans la nuit. Les six feuilles de ses ailes ray;es, en mat;riaux d’aurore verts et roses, et sa robe blanche monumentale dont le bas s’;talait par terre comme la pyramide d’Egypte, et sa main immense entr’ouverte et d;chir;e dans les hauteurs comme un nuage sur la lune, et, sur sa face ; demi d;tourn;e, l;-haut, le bombement de cristal de son ;il. Et de la cime neigeuse de cet ange amoncel;, une ;chelle commen;ait, dont les barreaux ;taient des ;toiles ;tir;es en largeur.
28. — Tout f;t ;t;. Les t;n;bres recommenc;rent, et je connus ; je ne sais quel signe qu’elles s’;tendaient sur les champs de bataille moissonn;s par les rois, et que le fleuve qui coulait l; ;tait devenu chaud, et que cette ombre informe avait des formes hideuses : les morts aux gestes furieux et aux yeux ouverts, et qui refusent de dormir.
29. — Mais il y avait tant de morts qu’ils ;taient tous dans les bras les uns des autres.
30. — Comme celui qui se sauve dans une oasis,
31. — Je me r;fugiai dans les grands jours de N;h;mie,
32. — Dans l’instant pur de ma race.
33. — Car il est ;crit : Interroge ceux d’avant.
34. — Mais une voix me dit : Regarde mieux ces ;v;nements qui ont captiv; ton enfance.
35. — Esdras ;tait un petit homme, lui qui disait que Dieu habitait ; J;rusalem.
36. — Et le crime d’Esdras et de N;h;mie, c’est d’avoir mis une id;e basse dans la grande force miraculeuse de repentance des Juifs.
37. — Car ils vocif;raient contre Isra;l non parce que Isra;l avait mal agi, mais parce que les exil;s avaient ;pous; les femmes du pays.
38. — C’;tait par ;go;sme et avarice de race.
39. — Et ils ;tanch;rent la grande soif juive avec une eau souill;e.
40. — Mais il n’y a pas eu cela seulement.
41. — Ils profit;rent de leur courage extraordinaire ; recommencer, ; tous ceux-l;, pour instaurer une r;gle terrible d’observances, et d’obligation d’offrandes, et de contributions au culte, de d;mes, d’oblations, en argent et en premiers-n;s, pour engraisser les sacrificateurs par milliers, et l’arm;e des l;vites, des portiers, des chantres et des Nethiniens et de tout le reste des conducteurs de la maison de Dieu.
42. — Voil; ce qu’ils avaient en vue.
43. — Et les Juifs se dress;rent et ne voulurent pas.
44. — Mais la machination d’en haut ;tait plus solide que les g;n;rations.
45. — La r;sistance s’usa, et les enfants furent dress;s dans la servitude, et aim;rent la tracasserie fr;n;tique des rituels juifs.
46. — Et ils subirent la pliure.
47. — Car la foi ob;it.
48. — Et Isra;l s’est repli; contre lui-m;me, et son squelette ma;trisa sa chair.
49. — L’instant pur des hommes, regarde-le.
50. — La nuit cessa de me bander les yeux, et j’eus la vision d’une chose commen;ante puis coup;e dans les nues. La Tour de Babel qui monta de la terre au ciel et retomba sur elle-m;me, et s’;teignit, et ne fut que la base de la montagne vivante. Ma vision s’;croula aussi comme le paradis perdu.
51. — Dans mon r;ve, je criai, me d;battant sur la terre parmi les t;n;bres si ;paisses que je pouvais les toucher de la main : Mais les Livres de la Loi;!
52. — Alors, je vis le dedans du Temple, la nuit, dans mon r;ve. C’;tait noir, mais c’;tait le dedans du Temple.
53. — Et un homme dans la nuit s’avan;ait vers l’autel, qui n’;tait pas tout ; fait celui qu’on conna;t, parce que sans doute c’;tait le Temple d’avant, et m;me d’avant, celui de Salomon.
54. — Cet homme… Un voleur;? Non, car il d;pose un livre sur l’autel, et s’en va.
55. — Si, un voleur.
56. — Car ce livre vient d’;tre fait. Une arm;e de scribes et de pr;tres l’ont confectionn; ; leur go;t. Ils ont fait rendre gorge aux l;gendes et aux sentences errantes des Juifs, et les ont domestiqu;es par l’;criture, et ont ajout;, et charg;, et surcharg; : selon les exigences politiques.
57. — Ce livre deviendra le Livre de la Loi. On dira : Il existait depuis les temps et est tomb; du ciel. Dieu l’a d;pos; sur l’autel. Et on maltraitera et on tuera ceux qui feront mine de ne pas croire aux lettres ;blouissantes qui forment le mot : R;v;lation.
58. — Et cela fut sous le deuxi;me J;roboam et sous Josias.
59. — Au temps d’Esdras aussi.
60. — Et Esdras a dit : La Thora vient de Mo;se lui-m;me. Il a dit cela, alors que la Thora ;tait neuve, et mille ans apr;s Mo;se.
61. — Il n’est pas s;r, dit un mauvais ange, que les scribes d’Isra;l n’aient pas invent; la cr;ation en six jours dans le seul but de justifier le sabbat.
62. — Et soulev; sur l’;pine de son coude, ce foudroy; agitait en ricanant cet ;norme blasph;me, qui n’;tait peut-;tre pas un blasph;me.
63. — Et je discernai pr;s du pilier d’un temple, se penchant sur sa table, l’;criveur en robe qui a cr;; la Cr;ation du monde.
64. — Et dans le noir, il y eut un chandelier allum;;; les doigts d’une main d’homme sortirent, qui ;crivirent devant le chandelier :
65. — Les Livres de Daniel et d’H;noch ne sont ni de Daniel ni d’H;noch.
66. — Sache, cria une voix, que dans les Livres Saints, les proph;ties ont ;t; fabriqu;es selon les ;v;nements.
67. — Et sache, et la voix monta alors plus haut encore, qu’il y aura de nouveaux livres saints o; les ;v;nements seront fabriqu;s selon les proph;ties.
68. — Et j’entendis des chants qui de toutes parts chantaient :
69. — Gloire ; J;sus, fils de Marie, fils de David, et fils de Dieu;!
70. — Ce fut une apocalypse du futur qui se d;plia et mit son espace dans l’espace.
71. — Et l’homme du chemin de Damas ;tait m;l; ; tout cela.
72. — Je vis de nouveau des scribes, des docteurs, des pontifes, des ermites, des ;glises, des conciles, tous fonctionnaires d’un tr;ne, qui disputaient dans une enceinte.
73. — Et la voix : Ils s’occupent de toi. Ils font un code o; ta vie est clou;e sur les textes immuables, o; ta figure est d;figur;e, o; tu es attach; de tous c;t;s, par des liens, aux antiques pr;dictions et aux doctrines iniques. Toi qui disais : Il n’y a pas de m;diateur, ils font de toi le M;diateur en personne. Ils te lapident avec ton nom.
74. — Tu as d;truit l’idole d’Isra;l et n’en as laiss; que la grande charpente humaine de justice, mais l’homme du chemin de Damas a mis un autre dieu ; la belle place vide.
75. — Au lieu d’y mettre la vie.
76. — Et la loi de Mo;se et la fable grecque entreront l’une dans l’autre, et feront de toi une boucherie, car toi, au milieu, ;cras;, tu ne seras que la pluie de ton sang.
77. — Tu ne sauras jamais tout ce qu’on fera avec toi, et m;me maintenant que je te le dis, tu ne le sais pas.
78. — Et il n’y a personne pour te d;fendre et les disciples de tes disciples disent : Amen.
79. — O vous tous, les gens de partout, pauvres gens innombrables, vous ne savez gu;re ce qu’on trame. Et vous ne vivez tranquilles que parce que vous ne soup;onnez pas tout ce qu’il y a eu de calculs contre vous.
80. — Et il arrivera que ce seront les pauvres et les d;sh;rit;s qui donneront le souffle ; cette doctrine arrach;e en lambeaux de ta chair, et en feront la force vive du monde.
81. — Parce qu’ils n’y auront vu et embrass; que la mis;re d’un grand pareil. Ceux qui d;bordent de douleurs aimeront le roi couronn; d’;pines.
82. — Ils ne chercheront pas ; comprendre ceci qui est fou : Qu’un Dieu soit un homme, et un homme un dieu. Ils aimeront cette id;e aveugl;ment, d’un amour maternel.
83. — Mais quand cette doctrine r;gnera solidement, avec son dieu clou;, elle sera la chose des riches et des bourreaux.
84. — Partout, toujours.
85. — Je poussai un cri entre les pierres o; je gisais sur les champs de bataille de la r;alit;, ; l’heure nocturne o; les hommes et les peuples s’;vanouissent en leur lieu, la nuit quand les t;n;bres vous poursuivent, et je voulus crier au loin au-dessus de moi : Ne croyez pas en J;sus;!
86. — Mais je n’;tais pas de force, moi, ; crier cela, et je fus forc; d’entendre encore :
87. — Ceux qui te ressembleront, et qui seront toi ressuscit;, seront condamn;s et tu;s par ton Eglise, o; tu seras un ;tranger. Gare ; ceux qui s’appelleront les Nazar;ens ou qui s’appelleront les Pauvres.
88. — Et la religion aura tout repris aux pauvres, ses vraies m;res, elle se sera vol;e aux malheureux.
89. — Elle les enfoncera plus avant dans les bas-fonds terrestres, et leur ;tera la lumi;re et la joie.
90. — Une religion ; deux faces,
91. — Qui fera le mal sur la terre, mais qui dira sous le ciel, r;p;tant la belle le;on que tu as trouv;e : Ecoutez comme je dis le bien.
92. — Et elle soul;vera l’ex;cration et la col;re des justes,
93. — Qui seront les vaincus des si;cles.
94. — Comme toi.
CHAPITRE XXX
1. — Tout ;tait couvert d’une toile de soleil, et empli de joie, lorsque j’entrai ; J;rusalem pour retrouver le peuple auquel j’avais donn; rendez-vous.
2. — J’;tais mont; sur le poulain d’une ;nesse et mes disciples agitaient des palmes, et les gens accouraient, disant : Qu’est-ce que c’est;? et semblaient heureux de me regarder.
3. — Et le r;ve noir se dissipait en moi ; cause des prodigalit;s du soleil.
4. — Et un aveugle assis sur une pierre, demande ce qu’il y a, et alors, tournant ; peu pr;s vers moi sa face o; l’ombre est invisible, m’appelle en criant ; haute voix, et un homme sur qui la l;pre a neig; parvient jusqu’; moi, gr;ce ; l’horreur de sa cuirasse, et un autre aveugle, s’approchant de moi avec ses mains, me transmet son angoisse, disant : j’ai tout un monde derri;re moi.
5. — Quand nous arriv;mes au Temple, je vis, d;j; assembl;s, les chefs de la race sacerdotale et les s;nateurs d’Isra;l.
6. — Et il y avait, plus loin, des faces romaines.
7. — Et en voyant ces gens, les paroles de l’homme du chemin de Damas me revinrent ; l’esprit.
8. — Et tous, ils ;taient ;mus d’envie contre moi, et moi je fus ;mu de col;re contre eux, car c’est d’eux que vient et que viendra tout le mal.
9. — Ils n’osaient rien dire, ;tant au bord du peuple qui battait son plein.
10. — Et me tournant et voyant la multitude du peuple qui faisait face ; cette rang;e de puissants, je fus remu; de compassion, de ce qu’ils ;taient dispers;s et errants comme des brebis n’ayant point de berger.
11. — Et je dis ; ceux qui ;taient avec moi :
12. — La moisson est grande mais il y a peu d’ouvriers.
13. — Car le peuple sort de terre comme la moisson qu’il en fait sortir et comme les ;uvres de son travail.
14. — Mais chacun de tous ceux-l; est s;par; des autres.
15. — Et les foules ne sont pas des foules, mais des immensit;s en miettes.
16. — Jean dit : C’est la partie qui fait le tout.
17. — Et moi : Oui, mais c’est le tout qui fait la partie.
18. — Et les mouvements des ;tendues humaines sont d’une lenteur d;sesp;rante. Il y a un large supplice des foules : c’est la lenteur.
19. — Ils pourraient tout s’ils voulaient.
20. — Ils voudraient, s’ils savaient. Mais, je vous le dis, l’;uvre du savoir est ralentie et repouss;e, et c’est le cauchemar du monde entier.
21. — Et alors, en haine de leurs souffrances, en haine de leurs ma;tres avides, en haine de ce que m’avait dit Paul, et de ce que m’avaient dit ceux de la r;volte aveugle et gaspill;e,
22. — Je songeai :
23. — Il faut que je donne ma vie.
24. — J’avais d;j; pens; ; cela : Elever le sacrifice de moi devant tous, offrir ma mort en image. Afficher la d;chirure de mon corps pour que les dispers;s fassent un seul corps.
25. — Moi qui ai essay; ; t;tons d’;tre le prince des actes,
26. — Ma mort c’;tait le plus grand acte que je pouvais faire pour r;veiller les morts.
27. — Et arracher, de ma d;faite, une victoire.
28. — Et le moment de cela ;tait venu.
29. — Le moment de faire rayonner mon sang.
30. — Il y avait dans le Temple des changeurs et des marchands. Je me pr;cipitai sur eux, je renversai leurs tables et leurs si;ges, et les chassai du Temple ; la face du peuple, en leur criant :
31. — C’;tait la maison des pri;res, mais vous en avez fait une caverne de voleurs.
32. — Et le peuple poussa une juste clameur vers moi.
33. — Et je chassai aussi les b;tes des sacrifices et ceux qui les vendaient et les conduisaient, en criant :
34. — Le Temple n’est plus qu’un vaste abattoir g;r; par une caste.
35. — Et le peuple, ; ce moment, le crut.
36. — Ceux d’en haut qui avaient ;t; fustig;s sur leurs faces par mon geste et qu’assaillait le cri du peuple, se turent.
37. — Mais je savais bien qu’ayant dit et fait cela, je ne durerais plus longtemps.
38. — Mais les Romains ;taient encore indiff;rents.
39. — Et je dis ; cette ville vivante et remuante devant moi :
40. — Sortez des cha;nes, vous qui le voulez;!
41. — Qu’attendez-vous pour vous mettre en col;re;?
42. — Et pour dire ; ceux qui vous m;nent dans leurs seuls profits : De quel droit;?
43. — Et pour changer le mal en bien;?
44. — J’en ai entendu parfois qui vous disaient : Si on te frappe sur une joue, tends l’autre joue.
45. — C’;taient l; de faux proph;tes, des d;tourneurs de r;ves, et des voleurs d’esp;rances.
46. — Car c’est livrer les bons aux m;chants.
47. — Car ceux-l; voulaient vous sacrifier ; une doctrine qui dit : soyez bons;! pour ne pas dire : soyons justes;!
48. — Et je leur criai, moi le sacrifi; : Ne vous sacrifiez pas.
49. — Celui qui se sacrifie n’est pas assez bon.
50. — Celui qui se laisse tuer est un assassin. Ils savent bien, les moissonneurs d’espoir, que la bont; ne peut ;tre, ici-bas, que le fant;me de la bont;, et que les m;chants ne s’envoleront pas. Te sacrifier, c’est ne pas te comprendre.
51. — La grande voix de Daniel qui domine les autres comme le d;me du tonnerre, et Isa;e et J;r;mie et tous les parleurs de l’Eternel, n’ont que la justice ; la bouche.
52. — La justice est r;alit;, et sang et source, comme le c;ur, qui est le corps du corps. Elle ne dit pas : Amour, elle dit : Respect, elle dit : Lumi;re.
53. — Et ce disant, elle m;le le ciel ; la terre et la v;rit; au peuple.
54. — On ne vous parle tant de bont; que pour se d;barrasser de la justice, vous mobiliser dans les nuages, et vous emp;cher de ne jamais rien faire pour changer la guerre en paix et le mal en bien.
55. — Car chacun de ceux qui b;tissaient ;tait ceint sur ses reins d’une ;p;e;; c’est ainsi qu’ils b;tissaient;; et le trompette ;tait pr;s de moi, a dit N;h;mie.
56. — Je vis dans l’assembl;e Jean Zacharie, le commenceur, qui ;tait revenu, et je m’appuyai sur sa pr;sence pour m’;crier :
57. — Il est ;crit : J’ai mis mes paroles dans ta bouche afin que tu arraches et que tu d;molisses.
58. — Si tu as des ennemis, lutte contre eux.
59. — Mais reconnais-les d’abord.
60. — Ce ne sont pas ceux que tu crois.
61. — Ce ne sont pas les ;trangers et les Gentils.
62. — Quelqu’un d’entre les pr;tres dit :
63. — Il parle pour les incirconcis;!
64. — Le poing tendu de Jekhiel me cria :
65. — Tu commets le p;ch; national;!
66. — Jean Zacharie, qui ;tait entre la foule et moi, s’agita des bras, et lui r;pondit :
67. — Qu’est-ce que c’est que ;a, le p;ch; national;? O; le places-tu dans les p;ch;s;?
68. — Je dis : Il n’y a que deux seules v;rit;s humaines : chacun, et tous.
69. — Aucun pauvre de la terre n’est ;tranger ; un autre pauvre de la terre.
70. — Si la pauvre v;rit; pouvait parler, que dirait-elle;?
71. — Je suis une sans-patrie.
72. — Isa;e a cri;, m’;criai-je : Je te fais rayon des nations;; ainsi parle Iahv;h;; au m;pris; des hommes;; ; l’esclave des dominateurs.
73. — Et les proph;tes qui ont avou; l’Eternel ont ;tendu la Loi sur le monde entier.
74. — Qui oserait, apr;s eux, la rapetisser,
75. — Et donner toutes sortes de noms ;trangers et ennemis, ; la v;rit;;?
76. — Tes vrais ennemis, ceux que tu dois vaincre un jour, ce sont les riches, et les puissants.
77. — Ceux-l; sont tes ;trangers.
78. — Ceux qui r;coltent l; o; ils n’ont pas sem;, et chargent les ;paules des autres de fardeaux qu’ils ne voudraient m;me pas toucher du doigt, et qui ont dans les pans de leurs robes le sang des ;mes des innocents.
79. — On donne ; celui qui a et il a encore davantage, mais ; celui qui n’a pas, on ;te m;me ce qu’il a.
80. — Et la d;solation fondra sur le d;sol;.
81. — Mais ceux qui ne travaillent pas n’ont pas le droit de manger.
82. — Malheur ; vous qui b;tissez vos palais avec la sueur des autres;! a dit H;noch.
83. — Et l’argent, s’il vit et s’il enfante, est un monstre.
84. — Et dans la communaut; des travailleurs, faite par eux et pour eux,
85. — Et o; se dissipera la guerre et la richesse injuste,
86. — Chacun sera l’;gal de chacun.
87. — Qui s’;l;ve sera abaiss;, qui s’abaisse sera ;lev;.
88. — Que le plus grand d’entre vous soit votre serviteur.
89. — Je vois dans les ;ges du temps le plus grand de tous se dresser parmi un grand peuple et ;tre son serviteur.
90. — Car dans un tel ensemble, tous n’ob;iront plus qu’; eux-m;mes.
91. — Et seront libres, d’;tre les esclaves de la justice.
92. — Je vous dis qu’il n’y a encore qu’une seule patrie unie des malheureux, et c’est le cimeti;re.
93. — Et lorsque vous vous serez r;veill;s d’entre les cadavres, et vous trouverez coude ; coude.
94. — Vous verrez que vous ;tes dans des prisons comme dans des restes de s;pulcres, et que c’est l; votre fraternit;.
95. — Alors, sortez des cha;nes, vous qui le voulez;!
96. — N’attendons pas d’;tre morts pour nous ressembler;!
97. — Jean Zacharie debout sur la place me d;signa et clama :
98. — C’est lui;!
99. — C’est lui. J’ai pr;ch; l’;vangile aux, pauvres, dit Jean, mais il a les paroles de la vie ;ternelle. Il a les armes de la lumi;re. Voici l’agneau divin qui ;te les p;ch;s du monde.
100. — Apr;s qu’un silence ardent se fut fait, je m’;criai comme Isa;e :
101. — Le peuple qui ;tait assis dans les t;n;bres a vu une grande clart;.
102. — Il a maintenant la col;re de voir.
103. — Heureux ceux qui ont faim et soif de justice, car ils seront rassasi;s. Et j’annonce l’;poque d’accomplissement o; souffrir pour la v;rit; sera enfin une joie.
104. — Mais il ne faut pas vous en remettre aux mauvais bergers.
105. — Vous-m;mes;!
106. — Demandez et l’on vous donnera, cherchez et vous trouverez, heurtez et l’on vous ouvrira.
107. — Et tant que vous n’aurez pas tout, vous n’aurez rien.
108. — L’Eternelle Justice a hurl; : Je t’ai gard; et ;tabli pour dire aux captifs : Sortez;!
109. — Quelqu’un du peuple me cria : Nous attendons la R;volution.
110. — Alors, vous vous attendez vous-m;mes.
111. — Soufflez sur vos ma;tres, vous qui avez tout fait avec vos mains, m;me vos supplices.
112. — Mais pas Juda le Galil;en, pas Sadok, ni aucun de ce genre.
113. — Gardez-vous de ces guerres perdues du trop faible contre le trop fort.
114. — Mais, de faibles, pr;parez-vous ; ;tre forts, comme tous, vous ;tes forts.
115. — Et je rendis la justice au sujet des Z;lotes, disant :
116. — Car ce n’est pas la convoitise d’une race qui d;vorera le malheur humain.
117. — Rendez l’homme ; l’homme, unissez l’homme ; l’homme, faites la montagne de l’homme.
118. — Les cha;nes tomberont de force lorsqu’il n’y aura plus qu’un grand encha;n;.
119. — Faites d’abord la r;volution dans vos t;tes.
120. — La r;volution est de l’esprit.
121. — Parce que c’est changer ce qui est, en ce qui doit ;tre selon l’esprit.
122. — Et sachez bien qu’il n’y a qu’une v;rit; et que ce qui doit se faire selon l’esprit se fera aussi un jour par la force des choses.
123. — Pour ce qui est du jour et de l’heure, personne ne le sait.
124. — La vie, la vie;!
125. — Car en v;rit;, je vous le dis, la gloire et la fortune et la joie de ceux-l;, sont faites de la honte, de la mis;re, et du malheur de ceux-ci.
126. — Ce qui se maintient par l’;p;e ne peut p;rir que par l’;p;e.
127. — L’;p;e c’est votre outil.
128. — Entre ceux-l; et ceux-ci, c’est une question de force.
129. — Et ceux qui ont raison doivent avoir la force;; et la prendre, s’ils ne l’ont pas.
130. — S’il n’y a pas la force, il manque quelqu’un au couple cr;ateur.
131. — La force est la femelle de l’esprit.
132. — Et ceux qui dorment dans la poussi;re de la terre, et qui sont morts de sommeil ou bien clament leurs songes, se r;veilleront.
133. — Quand on aura mis l’abomination de la d;solation.
134. — Les justes seront comme les Barbares que la terre ne peut plus porter. Le peuple unique refera avec lui-m;me l’unit; de Dieu sous le signe de la sueur et du sang.
135. — Vous ;tes des fous parce que vous laissez faire.
136. — Mais c’est vous qui serez les sages.
137. — Et les bons;!
138. — Et les Juifs se mirent ; crier sur la place.
139. — Et ce n’;taient pas des cris vides.
140. — Mais l’archange de la col;re leur sortait de la bouche.
141. — Il y avait un tel grondement d’amour du peuple vers moi qu’on n’e;t rien pu faire contre moi ; ce moment.
142. — Mais je vis bien les statues p;les des puissants, les plaques des faces romaines et juives, et l;, je lus que la fin de ma vie ;tait ;crite.
CHAPITRE XXXI
1. — Nous assembl;mes notre ;glise pour le repas du soir, et mes disciples et moi, nous savions sans nous le dire que c’;tait le dernier repas fait ensemble (mais ce ne devait ;tre que l’avant-dernier).
2. — Je rompis le pain, et il y eut d’abord le silence de ce don.
3. — Ensuite Simon Pierre ;leva la voix et me dit : Tu es le prince de la vie.
4. — Je r;pondis : Vous serez vraiment mes disciples. Vous conna;trez la v;rit; et la v;rit; vous affranchira.
5. — Nathana;l dit : Nous ne la connaissons donc pas toute;?
6. — Non, pas toute.
7. — Il s’enhardit alors et m’interrogea : N’es-tu pas contre l’amour;? R;ponds.
8. — Jacques, s’enhardissant aussi, dit : Il faut changer le c;ur des hommes.
9. — La vieille porte de bois ;tait ouverte sur la salle o; ;tait la table servie, et par ce grand carr;, on voyait le ciel que le soleil couchant faisait verdoyer, et la lumi;re entrait par tranches.
10. — Et malgr; la beaut; des choses, je r;pondis : Que veux-tu que nous fassions avec ton r;ve;?
11. — Tu le tiens dans tes doigts comme une fleur, et tu en es orn;, mais, en v;rit;, tu ne tiens rien.
12. — Tu es assez respectable avec ta fleur, mais celui qui comprend et qui voit, est plus courageux et plus honn;te que toi.
13. — Et je dis encore ; Jacques qui m’;coutait enti;rement, baissant la t;te et regardant sur la table, entre ses deux mains, son ;cuelle dor;e par le soir :
14. — Changer le c;ur;? Non. Parce qu’on ne le peut pas.
15. — Ce n’est pas le c;ur, c’est ce qui est dedans, qu’il faut changer.
16. — C’est pourquoi je vous dis : Comprenez-vous et aimez-vous les uns les autres,
17. — Vous qui ;tes l; et vous qui n’;tes pas l;.
18. — Cela est un seul et m;me commendement, et c’est celui que je vous donne.
19. — Si comprendre ne veut pas dire embrasser, je ne sais pas ce que cela veut dire.
20. — Comprendre est un mot vivant, et la chair de ce mot, c’est amour.
21. — Le mal, c’est d’aimer avant de comprendre. Car il ne faut pas commencer ; b;tir la maison par le haut. Comprendre d’abord, aimer ensuite.
22. — Car l’amour sans la r;gle est chose flottante et livr;e aux vents terrestres.
23. — Et qui peut tourner mal.
24. — Et le c;ur crie comme crie un muet.
25. — Que si vous croyez ; la fois ; l’amour et ; l’intelligence, ne dites pas : l’amour et l’intelligence. Dites : l’amour de l’intelligence.
26. — Mais rassurez-vous. Comprendre ne va pas sans aimer. Et s’il n’y a rien de grand qui ne tienne dans les grandes lignes de la justice, il n’y a non plus rien de doux et de chaud qui ne tienne entre les grands bras de la piti;. Et la raison est droite, mais elle est plus follement grande que la folie.
27. — La figure grave de Jacques se leva, et ses l;vres remu;rent :
28. — Pourquoi dis-tu toujours piti;, au lieu d’amour;?
29. — Parce que c’est le pur et le droit de l’amour.
30. — L’amour qui voit.
31. — L’amour pour les hommes, c’est les voir comme ils sont, et retomber sur eux, et qu’ils retombent sur vous. Tel est l’amour des hommes : lumi;re, mesure, utilit;, lumi;re.
32. — Il ne faut s’attacher qu’; ce qui est faisable. Mais s’y attacher.
33. — Que les mots soient des ouvriers.
34. — On ne peut rien contre la fuyante mis;re de son propre c;ur qui n’est pas une chose.
35. — On peut tout contre l’approchante mis;re de tous, qui est une chose qui est lourde.
36. — Et qui peut donc se porter.
37. — Et si les c;urs isol;s ne se joignent un ; un qu’; t;tons, les mains qui t;tonnent vers toutes les autres, les touchent.
38. — Ta joie, la souffrance, sont changeantes et trompeuses. Mais la souffrance des hommes ne te trahit jamais.
39. — Ne dites pas : Je veux changer l’homme en ange, et le monde en jardin d’Heden. Car on vous r;pond : Quel chemin faut-il prendre;? Ne dites pas non plus aux aveugles : Je vous raconte la jolie image de lumi;re. Car ils vous crient : Nous voulons la chair de la lumi;re;!
40. — Dites : Je veux travailler ; l’arrangement de ce qui est r;uni ici-bas.
41. — Et m;me, ne dites pas : le bonheur. C’est mieux de dire : la paix.
42. — Mais vous aurez contre vous tous les puissants, et la religion couronn;e, qui a ;t; faite pour lutter d’avance contre vous, et toutes les forces du monde.
43. — Vous serez ha;s et pers;cut;s. Et les brigands install;s diront de vous : ce sont des brigands;; et les menteurs diront de vous : ce sont des menteurs. Et m;me de pauvres gens qui ne sont ni des brigands ni des menteurs, r;p;teront cela de vous.
44. — Et votre royaume n’est pas de ce monde.
45. — Mais il faut qu’il y soit.
46. — Car il est de ce monde, mais il n’est pas de ce temps.
47. — Je vais partir, mais je vous donnerai un autre consolateur : l’esprit de justice que le monde ne peut pas encore recevoir parce qu’il ne le voit pas.
48. — L’esprit vous conduira dans toute la v;rit;.
49. — Quelle est la preuve de la justice;? dit Didyme.
50. — Je r;pondis : Ceci est ma chair, ceci est mon sang.
51. — Ceci est le grand fleuve qui roule dans les veines des multitudes.
52. — Mon sang est le sang des autres.
53. — Telle est la preuve de la justice.
54. — Soyez toujours neufs, et comme des ressuscit;s dans ce monde qui vous hait.
55. — Et que vous ressusciterez lui aussi.
56. — Ce que je fais, d’autres peuvent le faire, car les autres sont comme moi t;moins de la v;rit;, et capables d’en rendre t;moignage.
57. — Car il ne faut pas de magicien.
58. — Ni ; droite ni ; gauche de leurs seuls int;r;ts d’hommes.
59. — Et s’il ne restait plus au monde qu’une seule chose sacr;e, ce serait celle-l;.
60. — Je ne vous appelle pas mes serviteurs parce que le serviteur ne sait pas ce que son ma;tre fait.
61. — Et quand je ne serai plus, mes enfants, vous penserez assez fort ; moi
62. — Pour n’;tre pas orphelins.
63. — Simon ;leva encore la voix.
64. — Qui dit seulement : Tu changeras le monde, et il sera chang;.
65. — Les disciples ;taient tristes, mais ils ;taient tout de m;me remplis de joie et du Saint-Esprit.
66. — Jacques me dit comme Jacob : J’ai vu ta face comme si c’;tait la face de Dieu. Et il me redit comme Jacob : Je t’ai vu face ; face, et mon ;me a ;t; d;livr;e.
67. — Et moi, je me rappelais la douceur qu’il y eut, ; mon aurore, quand je rencontrai l’ami.
68. — D;s que nous nous sommes choisis en m;me temps et que nous f;mes nous, (lui et moi, la gauche et la droite), la parole a ;t; faite chair.
69. — Et deux sourires qui se sourient, c’est exactement une seule chose au monde.
70. — Ainsi en est-il maintenant avec le c;ur unique de ceux-ci, qui a donn; ; mes pens;es la joie de vivre. Et lorsque, r;unis, ils penseront comme moi, notre parole commune sera chair.
71. — Et moi qui ne devais plus vivre, je leur dis : Vivez. Il n’y a d’esp;rance que pour ceux qui vivent, a dit l’Eccl;siaste. Car, a-t-il dit, un chien vivant vaut mieux qu’un lion mort.
72. — Et le ciel qu’on voyait encadr; par la porte, ;tait rose, et il avait un chant d’oiseau.
73. — Comprendre. La paix de l’esprit est aussi belle que celle du c;ur.
74. — Et c’est sa m;re.
75. — On va comprendre la puret; des lignes qui vont de chacun ; tous.
76. — Et le prix de la vie.
77. — Et la place que tient une rose avec son souffle.
78. — Et la place que tient un rossignol dans la nuit.
79. — Et que le ciel est tiss; ; la terre.
80. — Et comprendre miraculeusement
81. — Le miracle du jour et de la simplicit;.
82. — Car le jour et la nuit ne nous trompent pas.
83. — Et tout ce qu’on peut faire de magnifique en un seul jour.
84. — La belle horreur de la mort.
85. — Vers la nuit, je vis dans un coin Jekhiel.
86. — L’ami qui ;tait devenu l’ennemi, me reconnut, il trembla, et baissa la t;te.
87. — Je m’arr;tai devant lui, et il me regarda alors un peu. Et je vis qu’il n’osait pas se jeter dans mes bras.
88. — Je lui dis : Alors, c’est toi.
89. — Son souffle me r;pondit doucement : Oui.
90. — Et ayant ainsi prononc; ces mots qui disent tout ce qu’on peut dire au monde, et nous ;tre plac;s dans la grandeur des temps, nous nous s;par;mes.
CHAPITRE XXXII
1. — Toute la journ;e il n’y eut rien contre moi.
2. — Il faisait beau temps, les campagnes ;taient radieuses. Mais pour moi, c’;tait trop tard pour go;ter cela.
3. — Et le soir vint comme les autres. Et quand il fut l;, je me dis : C’est cette nuit que tout sera consomm;.
4. — Comme j’allais lourdement, ne sachant que faire, car j’avais trop peu de temps devant moi, je vis Judas Iscariote.
5. — Il m;ditait sombre, rancuneux, en grin;ant des dents.
6. — Quand il me vit, il me dit aussit;t :
7. — J’ai quelque chose contre toi.
8. — C’est emb;tant, ce que tu as dit dans ton sermon du Temple et que tu avais d;j; dit dans ton sermon sur la montagne, ; savoir qu’il faudrait que le peuple s’occupe lui-m;me de son affaire.
9. — Seigneur, tu aurais mieux fait de te taire. Ou de parler d’autre chose. Voil; : j’ai examin; la chose, et elle est comme je te le dis. Ecoute-le et consid;re-le pour ton bien, Rabbi.
10. — Ne m;le pas C;sar ; ton ;vangile. Parle de l’esprit, et laisse C;sar o; il est.
11. — Je dis : Ami, ces choses ne vont pas ensemble.
12. — Il dit : Qu’est-ce que ;a fait;? ;a ne se voit pas au premier abord. Soyons dans le milieu. Toutefois, marchons sur le c;t;.
13. — Je compris plus avant, que les tentations les plus graves sont celles qui n’ont pas l’air de tentations, et que cet homme ;tait loin de moi et contre moi, encore que pas m;chant.
14. — Parce qu’il se couvre toujours de la petite chose imm;diate, et qu’il a l’air d’avoir raison.
15. — Quand il est l;, il me semble que tout le monde est l;, ; l’encontre de moi.
16. — Je disais : C’est comme si je me cognais ; un arbre.
17. — Non, c’est comme si je me cognais, la nuit, ; la for;t.
18. — Mon angoisse devint cent fois, mille fois, plus grande.
19. — Alors d;sesp;r;, je redevins comme un enfant, et j’appelai ma m;re, et mes pas me port;rent pour aller la trouver.
20. — Elle ;tait chez des gens amis, de B;thanie.
21. — Dans le village, la vie tranquille du jour s’achevait. La journ;e de tous fut bien remplie. Ils rentrent, chacun dans son lieu, ils sont paisibles. L’odeur de leurs jardins vient ; leur rencontre. Ils disent au vent du soir : donne.
22. — Le soir est la meilleure saison du jour.
23. — Et tout est encore plus beau que tout.
24. — Je pr;f;re tout.
25. — Mais moi j’;tais l’hiver et j’apportais l’hiver, car chacun refait, ; chaque heure, le monde ; son image.
26. — Les choses semblent rev;tues de beaut;. Mais leur beaut; n’est que la charit; du passant.
27. — Et la nuit, c’est fermer les yeux.
28. — Il faudra tout de m;me une douce longueur de temps pour que le temps use les lumi;res de ces maisons.
29. — Mais tout cela dont ils jouissent, c’est fini pour moi.
30. — Je ne marcherai plus ici, ni l;. Je suis au moment o; chaque pas dit adieu.
31. — Et voici qu’un vieux homme descend lentement un escalier. Il le remontera. Celui qui descend au s;pulcre ne remontera pas.
32. — Dans une maison, derri;re le rideau de la porte, un chant heureux r;pand son parfum d’immortalit;.
33. — La maison profonde, avec ses ouvertures ferm;es. Pour ceux qui vivent dedans, c’est une chose. Pour ceux qui passent, n’est-ce pas une cr;ature;? Et parce qu’il a plu, ce mur a pleur;.
34. — Une jeune fille marche ; ma rencontre. Pourtant, puisque je m’en vais, elle s’en va aussi.
35. — Ici, o; on s’attarde, il y a une lumi;re allum;e, qu’on voit. A c;t; de la lumi;re, le carr; de la maison et la palme sont tout bleus.
36. — Comme le monde ;tait bleu;!
37. — J’aime.
38. — Mon Dieu, mon Dieu.
39. — En pensant ; ma destin;e qui aura pass; si vite, j’ai laiss; ;chapper comme un enfant : mon Dieu.
40. — C’est ma bouche et mon regret qui ont parl;, malgr; moi.
41. — Je vis ma m;re qui ;tait assise, et lui parlai des grandes choses : Voici : je me suis dress; contre le monde.
42. — Elle sortit, ; gros efforts, de l’effacement o; elle ;tait toujours, et prise d’humilit; de parler de ces choses, elle rougissait.
43. — Et m;me elle laissa le vaisseau o; elle pr;parait ; manger.
44. — Et elle dit : Il ne faut pas diff;rer des autres. On commence ; trouver dr;le que tu cries contre ce qui se passe.
45. — Sans doute, quand les gens t’;coutent et te rendent gr;ces, on est fier.
46. — Mais d’autres disent que tu n’es pas du tout un bon Juif.
47. — Comme je ne disais rien et que les instants passaient, elle se mit ; frotter avec ses doigts durcis, une marmite qu’elle avait pos;e sur ses genoux, pour ne pas perdre de temps, parce que le soir venait et qu’il devait apporter ; manger.
48. — Elle dit : Ce serait si bien, si on disait : Marie, tu es la m;re de J;sus, un honn;te ouvrier dont personne ne parle.
49. — Au lieu de cela, on dit, mon petit : Ce J;sus-l;, c’est un sans-patrie. Il ne respecte pas assez les gens en place et les propri;taires. Il est un communiste.
50. — Je ne sais pas, moi, mais on le dit.
51. — Laisse donc les choses comme elles sont. Elles vont tr;s bien, je t’assure, crois-moi. Sois sage.
52. — Elle me regarda, pour me d;cider, avec des larmes brillantes entre ses paupi;res.
53. — Et j’;tais prostern;, ; cause de ma grande angoisse, devant celle qui m’a donn; tout ce que j’ai.
54. — Je n’ai pas choisi ma m;re. Qu’y a-t-il de commun entre elle et moi;?
55. — C’est la femme que j’ai vue face ; face;; voil; ce qu’il y a de commun entre nous.
56. — La m;re plie ses petites ;paules de femme.
57. — La patience de ses baisers amollirait les pierres.
58. — Au lieu de r;pondre, je me rappelais cette Astaroth d’Ananias, qui l’avait tent;e un jour, avec son petit enfant dor;.
59. — Et, faisant un rapprochement entre la mince beaut; fabriqu;e de la d;esse, ornement parfait et suspendu, et la pauvre maternit; de ma m;re aux yeux noy;s, o; l’;toilement s’enracinait, je me pris ; murmurer : la d;esse Marie, et dans ma d;tresse, je souris tout bas.
60. — Je lui dis adieu, et son visage ;tait d;j; tach; par la nuit, et je repris le chemin de Geths;mani, et les habitants du village s’effac;rent, moururent, et le cri qui avait commenc; tout ; l’heure dans ma gorge s’acheva : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonn;;?
61. — Et c’;tait une tentation, venue des Grands Livres.
62. — C’;tait le d;chirement de la parent; qu’on n’a pas pu s’emp;cher de voir : mon P;re…
63. — Mon P;re, qui ;tes aux cieux, vous rendez le son de toutes nos douleurs.
64. — Et je sentis pourquoi on croit en Dieu.
65. — Si j’;tais fou je croirais en Dieu.
66. — La lune ;tait grande ouverte sur le mont des Oliviers, et il y avait dans la grange o; ;taient mes disciples au milieu de la paille, un carr; de lumi;re ; cause d’un trou du toit.
67. — Et autour c’;tait noir, mais on voyait la masse de leurs corps endormis.
68. — Je les touchai et ils s’;veill;rent en r;sistant.
69. — De quoi avaient-ils parl; avant de s’endormir;? Ils se turent, ensuite avou;rent qu’ils avaient discut; qui d’entre eux plus tard serait le plus grand.
70. — Ils savaient, ils avaient communi; avec moi dans l’adieu, et ils avaient parl; de cela.
71. — Et puis ils s’;taient endormis, fatigu;s d’avoir v;cu un jour.
72. — Ils se frott;rent les yeux, et ils se rendormirent de toute leur pesanteur d’hommes, au bord de cette blancheur qui, par terre, ;tait le bout de la lumi;re.
73. — N’auraient-ils pas pu veiller avec moi cette nuit;?
74. — Mes pires ennemis, ce sont ces pauvres gens ; vue courte. Ils ont appliqu;, aussi bien qu’ils ont pu, leurs paroles sur les miennes.
75. — Mais ils me trahiront ; cause de leur m;diocrit;.
76. — Simon Pierre lui-m;me me reniera. Il me reniera devant les gens. M;me tout seul, un soir, il me reniera. Mais il aura tout de m;me peur de ce qu’on lui aura fait penser, et il regardera ce soir-l;, vers moi. Et moi je ne serai pas pr;s de lui. Et, parce qu’il ne m’entendra pas, ce soir-l;, chez lui, il croira que je l’;coute. Il aura peur, et, pour lui, je serai partout, sauf ; l’endroit o; il sera.
77. — Et Jean, le plus pareil ; moi, celui dont le regard m’a apport; l’illusion d’un miroir, celui qui si souvent, la t;te baiss;e et les yeux lev;s, me contempla, il me trahira aussi, et ne sauvera pas mon souvenir.
78. — J’ai donn; ; la v;rit; invisible le seul bien que j’ai : ma vie. Et maintenant, ma vie n’est plus ; moi.
79. — Et en pensant ; cela, j’ai pleur; dans la grange o; j’;tais seul.
80. — Et tomb; sur mes genoux, je voyais mes deux mains crisp;es, car l’homme d;sesp;r; ne voit pas souffrir sa figure, mais ses mains.
81. — Cependant un autre disciple, ; qui je n’avais jamais pr;t; beaucoup d’attention, veillait pr;s du mur, et j’entendis d’abord seulement sa voix dans l’ombre, qui me dit : Moi je n’ai pas dormi.
82. — Ce jeune homme fut hors de l’ombre, vint ; moi, se prosterna devant moi dans le carr; de lumi;re qu’il y avait, et me glorifia en me disant tout bas :
83. — Je t’adore parce que tu n’es pas un dieu. Si tu ;tais un dieu, que t’importerait de souffrir pendant quelques heures et de mourir d’apparence;? Si tu ;tais un dieu, tout cela p;serait bien peu dans ton ;ternit; et ton rayonnement, et qui pourrait sans ;tre insens;, parler de ton sacrifice;?
84. — Si tu ;tais Dieu, o; serait ta bont;;? Il n’y aurait plus l; que des jeux divins.
85. — Et je te demande pardon, ; toi, si grand, et si expos;, et qui ne ressusciteras pas, de ce que je t’ai m;connu, et de ce que je t’ai parfois, consid;r; comme un dieu.
86. — Marie-Madeleine fut l; aussi, blanche dans la nuit et belle comme le jour, et sa beaut; ;tait nue de bijoux.
87. — Une grande exaltation la faisait se dresser sur la pointe des pieds;; et les gens disaient depuis quelque temps qu’elle ;tait reprise par les sept d;mons comme autrefois.
88. — Elle me dit qui j’;tais :
89. — Elle me dit : Il est venu un homme qui a ;lev; dans ses mains, pour les montrer, la souffrance, la mis;re, et la grandeur humaines.
90. — Tu as annonc; les choses qui ;taient cach;es depuis le commencement du monde.
91. — Tu as sem; ceci : Croyez pleinement ; vous-m;mes, refaites la vie selon votre image, et vous serez sauv;s.
92. — Que chacun ma;trise son Dieu, que tous ma;trisent leurs rois.
93. — Et tu as divinis;.
94. — Et tu fus ador; par moi tout enti;re, pas seulement par mon corps, le bord de moi.
95. — Je suis rest; cach;e ; toi comme mon c;ur est cach; en moi. Car, sans rien me dire, tu m’as demand; de souffrir.
96. — Je reste le monument de celui qui m’a parl;.
97. — Et que ta lumi;re soit;!
98. — Quand cette femme se fut tue, et que je n’entendrais plus sa voix, je connus que j’ai pass; sur la terre pour n’avoir que ce seul disciple.
99. — Et je ne l’ai eu seulement que par la magie de son c;ur.
100. — Et peut-;tre aussi cet autre qui n’avait pas voulu mutiler la beaut; du regret, et qui justement s’approcha et dit, tendant vers moi son bras bleu et p;le comme la lune :
101. — Voici l’homme.
CHAPITRE XXXIII
1. — Les soldats vinrent me chercher comme je l’avais pr;vu,
2. — Sans ;tre proph;te.
3. — Et pourtant, les pauvres soldats, c’est sur eux-m;mes qu’ils ont alors port; la main, comme toujours.
4. — Il y eut une d;bandade des disciples.
5. — Le noyau de l’Eglise, la source du monde nouveau, se dispersera.
6. — Et j’ai entendu l’un d’eux dire : Je ne connais pas cet homme, et je ne me suis pas tourn; pour voir qui c’;tait.
7. — Et je fus enferm; avec les pr;tres et les puissants, eux et moi, entre quatre murs.
8. — Et ce tribunal, c’;taient : le pontife plein de joyaux, et le riche royal, et le militaire glorieux, et le menteur brutal, et le sophiste doucereux et serpentant, — qui tous, portaient des bracelets, et avaient des bagues pendues ; leurs oreilles, qui tous n’;taient qu’une ;me et qu’une force.
9. — Ils firent semblant de m’interroger. A ce que je disais, ils r;pondaient d’apr;s eux-m;mes et non d’apr;s moi.
10. — Et ils voulaient que j’eusse fait un complot contre l’Etat.
11. — Et je me tus, et je cessai m;me de juger les juges.
12. — Puis on me poussa dehors, et devant le fonctionnaire romain.
13. — Comme c’;tait la pr;paration de la P;que, la foule n’entrait pas dans le pr;toire. Et de temps en temps, mis violemment par des bras sur le seuil de la porte qu’on ouvrait, je voyais s’;taler sur la place ce chantier de tumulte.
14. — Le fonctionnaire ne pensait qu’; sa responsabilit; de fonctionnaire, et disait : Voyons, qu’est-ce que cet homme a fait de mal;?
15. — On r;pondait : Il a soulev; le peuple, et, de plus, il a dit qu’il ;tait roi, alors qu’il y a C;sar.
16. — Le fonctionnaire fut d;soblig; quant ; la figure, et me dit : Pauvre proph;te, du moment qu’ils parlent de C;sar, j’aurais des ennuis si je ne te condamnais pas.
17. — Je savais bien que ce grand personnage voulait que je disparusse, mais il ;tait hypocrite et l;che comme tous les puissants.
18. — Comme la foule pouvait d;livrer un condamn;, cette foule ; qui les pr;tres soufflaient ses cris, pr;f;ra d;livrer Juda bar Abbas que moi (car il avait ;t; emmen; en prison).
19. — Quand il m’eut condamn; et que ce fut une chose faite, le fonctionnaire me dit tout bas dans un coin, tandis que ses yeux froids me regardaient : Je me ris du roi des Juifs. Mais plus que de celui du roi des Juifs, j’ai peur de ton r;gne d;sesp;r;.
20. — Ils m’ont mis, devant tous, une couronne d’;pines, un manteau de pourpre;; ils m’ont donn; un sceptre de roseau. Ils disaient : Oh, oh, c’est le roi des Juifs, et ils m’ont soufflet; en riant, tout en se prosternant devant moi.
21. — Et j’ai pens; ; l’homme du chemin de Damas, et que c’;tait ma gloire qui commen;ait.
22. — J’ai pens; que ceux d’en haut feront un jour de moi comme ceux-ci, quand mon image et mon nom ressusciteront parmi eux.
23. — Ils me mettront l’habillement du roi, et me donneront le sceptre.
24. — Ils me mettront une couronne qui me fera mal.
25. — Ils se prosterneront devant moi.
26. — Et ils me souffl;teront.
CHAPITRE XXXIV
1. — La mise en croix.
2. — Comme j’eus peur, un peu avant;!
3. — Cela me faisait mal et me tirait horriblement.
4. — Mon sang coulait, et j’avais soif de mon sang.
5. — Mais je pouvais voir encore devant moi.
6. — Et je vis qu’il n’y avait pas beaucoup de monde.
7. — Mais tous ;taient contre moi.
8. — Et si j’avais l; des amis, ils n’osaient pas ;tre des amis.
9. — L’autre jour tous ;taient avec moi, parce que je les dominais.
10. — Mais la foule s’;tait retourn;e toute au vent.
11. — Car tous, ils n’adulent que ce qui les domine. La foi souffle o; souffle le pouvoir.
12. — Mais moi, l’homme ;tir; en forme de croix, j’ai tout de m;me confiance en eux, qui aujourd’hui ne savent pas ce qu’ils font.
13. — Et qui se pers;cutent d’oubli.
14. — Faire le juste. D;faire l’injuste.
15. — Le peuple juif dont j’ai tenu l’;me debout, m’aidera, apr;s moi, ; semer ce levain dans l’univers lorsqu’il y aura ;t; lui-m;me sem; ; la vol;e, au milieu du peuple unique sous les cieux.
16. — Disciples dispers;s du malheur, qui est jusqu’ici le seul grand berger des peuples.
17. — Je suis crucifi; et je vais mourir sur la croix.
18. — Ma pens;e aussi sera crucifi;e.
19. — Mais elle ne mourra pas sur la croix.
20. — Esprit humain, clair comme l’ange, et rebelle comme Satan;!
21. — Je t’aime. Et je les aime.
22. — Les pauvres, qui sont tous les hommes, et qui ne sont rien du tout.
23. — Qu’une force de la nature
24. — Perdue comme celle du vent;!
25. — Par un pacte sanglant,
26. — J’;crirai ma parole sur leur c;ur.
27. — Et voici que moi, le crucifi; de cette croix-ci,
28. — Et qui serai l’antechrist des crucifix,
29. — Moi la b;te divine du sacrifice, dont le corps est un drapeau rouge, voici que je vois cette guerre ouverte maintenant jusqu’; la fin, entre la chair de l’humanit; et la convoitise de quelques grands complices.
30. — Ceux-l; m;mes qui m’ont clou; ici.
31. — Parce que j’;tais le Messie du peuple et le Verbe des hommes.
32. — Car depuis que le monde est monde, ils ont fait une grande contre-r;volution sur la terre.
33. — Mais ceux qui ;taient les derniers ; cause du p;ch; d’ob;issance, seront les premiers, apr;s trop de mis;re,
34. — Et ils auront divinement raison.
35. — Je vois encore cela
36. — Dans mes yeux ferm;s.
37. — Avant de me noyer.
38. — Voici ce que je crie encore en dedans de moi, en dedans de ma bouche d;chir;e :
39. — O peuple, je crois en ton Jugement Dernier.
40. — Quand tu tiendras l’;vangile nu.
41. — O peuple, quand tu feras le peuple.
42. — Moi je vous ai dit de mon vivant : Je vous apporte non pas la paix mais la guerre, parce que la vraie paix est de l’autre c;t; d’une guerre, et d’un d;luge.
43. — Parce que j’appartenais ; la vie, je suis venu apporter l’;p;e, et mettre la division entre le p;re et le fils, et le fr;re et le fr;re, et le ma;tre et le serviteur, pour sceller la nouvelle alliance.
44. — Contre tous les princes de la terre,
45. — Debout, les damn;s de la terre.
46. — Voil; que je souffre au del; de moi. Voil; le sang de la nouvelle alliance, o; je sombre. J’ai ouvert la bouche par-dessus ce sang de mes entrailles, et ils ont entendu mon cri mouill; de sang :
47. — J’ai vaincu le monde;!
48. — Et c’est ; cet instant que ma t;te s’abaisse et que les cieux se fendent dans mon cri.
49. — Fin de l’;vangile de J;sus, fils de Marie.
50. — Qu’il vienne ; votre secours, ; vous qui ;tes tourment;s, ; vous qui, cherchant une force ; la loi morale et ; la certitude, d;sesp;rant trop de la toute-puissance humaine, t;tonnez encore vers des Dieux dans des nu;es, ;coutez les paroles du vent qui passe, et vous cognez aux grilles de lumi;re et au plafond d’azur;; ainsi qu’; vous qui, rang;s en ordre, aujourd’hui o; presque toutes les nations du monde sont entre les mains des hypocrites, mettez l’id;e pure, sage, et juste, de la R;volution dans la grande ;me religieuse de l’humanit;. Ainsi soit-il.
TABLE
I.
—;C’est au fond qu’est la richesse
5
II.
—;Les parents perdus
15
III.
—;Le Liseur et les lettres
19
IV.
—;La R;volution
23
V.
—;Le fr;re inexplicable
31
VI.
—;La couronne
35
VII.
—;La porte sur le monde
37
VIII.
—;Les jours et les ;uvres
45
IX.
—;Mon p;re mourut
53
X.
—;Priscilla, ou : Chacun et tous
57
XI.
—;Nicod;me, ou : La vie et la mort
71
XII.
—;V;rit; et r;alit;
79
XIII.
—;Marche;!
85
XIV.
—;L’homme et le vent
89
XV.
—;La couronne d’;pines
93
XVI.
—;Hier, aujourd’hui, demain
97
XVII.
—;Marthe et Marie
101
XVIII.
—;La douceur de la force
103
XIX.
—;La Tour des Hommes
109
XX.
—;Sermon sur la montagne
117
XXI.
—;Le mariage du mal et de la bont;
125
XXII.
—;Dieu de ma justice;!
131
XXIII.
—;La porte sur le Royaume
141
XXIV.
—;Communaut;
147
XXV.
—;Les ;toiles sont enracin;es par terre
155
XXVI.
—;Je ne savais pas
157
XXVII.
—;Isra;l seul
159
XXVIII.
—;Le m;lange
173
XXIX.
—;Apocalypse du futur
185
XXX.
—;Sermon du Temple
197
XXXI.
—;Le tr;sor pratique
211
XXXII.
—;Voici l’homme
221
XXXIII.
—;Juges
233
XXXIV.
—;La Croix
237
NOTE
J’exposerai dans un livre — En Suivant J;sus le Juste — les documents, les indices et les raisons qui m’ont ;clair; dans ma tentative de remonter jusqu’au vrai pass;, et de rencontrer J;sus, l’homme divinement homme qui a, plus que tout autre, compris, situ;, et orient; l’homme.
Nous entrons ; peine dans la p;riode o; la critique ind;pendante a conquis le droit d’envisager les origines du christianisme d’une fa;on positive et objective, et d’y apporter la lumi;re. C’est donc d’hier qu’est n;e v;ritablement l’ex;g;se chr;tienne. Elle a d;j; d;blay; ce qu’on pourrait appeler les ruines de cette grande question, et r;v;l;, sans r;plique, bien des erreurs, bien des calculs, bien des falsifications. Il est ;tabli aujourd’hui que les Livres canoniques, et les traditions chr;tiennes consacr;es non seulement par l’orthodoxie, mais m;me par l’enseignement officiel, ne m;ritent historiquement que peu de cr;ance. Il n’est peut-;tre pas, depuis que les hommes croient recueillir leurs annales, de cas o; la superstition, appuy;e par les proc;d;s ordinaires de contrainte de «;l’Ordre Etabli;», ait ; ce point, et pendant si longtemps, tenu t;te ; l’histoire.
Je suis de ceux qui pensent que l’;crivain n’a pas le droit de traiter de tels sujets ; sa fantaisie et selon son go;t personnel. L’;crivain, homme public, n’a pas le droit de se tromper, car en se trompant, il trompe. Il est tenu de v;rifier scrupuleusement ce qui lui passe par la t;te avant de l’exprimer, et lorsqu’il s’attache ; copier un Personnage du pass;, d’ob;ir ; son mod;le.
Mais le pauvre proph;te profond qui passa en Galil;e, qui n’a jamais su ce qu’on devait faire avec lui, ni la gloire fabuleuse qui devait l’envelopper dans les ;ges, et qui fut utilis; — corps et ;me — ; d’autres fins que les siennes, je mets en fait que la critique scientifique d;gage des Evangiles sa figure vivante par la m;me esp;ce d’inductions qui font retrouver celle de Socrate parmi les prestigieux d;veloppements des Dialogues de Platon.
Si j’ai pris certaines libert;s avec la tradition admise, c’est que mes hypoth;ses me paraissaient, chaque fois, cadrer davantage avec la vraisemblance et s’approcher mieux de la v;rit;. Mais je crois n’avoir jamais perdu de vue cette image dont la r;alit; est attest;e non par des scolastiques et des cat;chismes, mais par le seul d;roulement des tr;sors spirituels : au VIIIe si;cle de Rome, il est venu un homme qui a tenu dans ses mains, et qui a ;lev;, pour les faire voir, la mis;re, la souffrance, et la grandeur humaines.
Je veux ajouter encore ceci :
Ces choses ne sont pas du pass;, elles sont de toujours. Elles sont d’aujourd’hui.
Si j’ai lu et relu jour et nuit les Livres Saints, et ;tudi; tant de travaux qu’on a ;crits sur le Dogme, ce n’est pas pour la joie artistique de r;aliser une reconstitution, et de tenter de trouver, comme un arch;ologue, un Evangile sans contradiction et sans tache — l’;vangile de restitution.
C’est pour pouvoir m’adresser aux inquiets et aux tourment;s des temps o; nous sommes — aujourd’hui que des fatalit;s, ;conomiques, sociales, politiques, intellectuelles et morales, incitent l’homme ; ;tre, selon l’exemple sacr; qu’il ne lui a jamais ;t; donn; que d’entrevoir, un briseur d’idoles.
C’est pour leur montrer, ; tous ceux qui attendent, le parall;lisme grandiose qui se dessine rigoureusement entre la d;cadence du monde contemporain (en son apog;e de progr;s mat;riel), et celle du monde antique : entre le christianisme naissant, et les nouveaux leviers qui se mettent ; soulever l’univers.
Afin de ne pas surcharger chaque page de ce livre, j’ai renonc; ; indiquer par des renvois la r;f;rence d’origine des citations qui remplissent le texte. Ces citations sont emprunt;es, en dehors de celles que j’ai puis;es dans l’Ancien et le Nouveau Testament, ; un certain nombre de livres ou de textes deut;ro-canoniques ou apocriphes ou «;annexes;» : Evangile de Pierre, Prot;vangile de Jacques, Evangile de l’Enfance, Papyrus d’Oxyrhynchos, Doctrine d’Adda, Actes de Thomas, Lectionnaire syriaque-palestinien, variantes manuscrites extra-canoniques (notamment celles du Codex Cantobrigiensis), paroles non canoniques de J;sus rapport;es par Cl;ment d’Alexandrie, Orig;ne, Saint-Augustin, le Pseudo Cyprien, le Pseudo Cl;ment Romain, traditions musulmanes ;parses (Ephrem Syrus, etc…) et Koran;; enfin litt;rature juive pr;chr;tienne : l’Ascension d’Isa;e, le Livre d’H;noch, les Oracles Sibyllins, etc…
On a trouv; dans ce livre des expressions de fabrication moderne ou contemporaine. J’esp;re que les lecteurs ne mettront pas sur le compte de l’ignorance de l’auteur ces anachronismes verbaux. En d;signant des id;es ou des choses sous des appellations qui sortent de la couleur locale, je n’ai fait que me conformer ; la tradition des traducteurs attitr;s de l’Ecriture. Il est ;vident que ces termes, qui font tache neuve, d;signent ce qui correspondait alors aux choses et aux id;es en question — mieux que des noms techniques p;rim;s ou que des tournures figur;es qui compliqueraient les phrases.
H. B.
Septembre 1926
Ñâèäåòåëüñòâî î ïóáëèêàöèè ¹223051601151